17 octobre 2020 : Un message clair à Jovenel Moïse par Editor
Le ras le bol multidimensionnel qu’exprime le peuple haïtien, depuis des années, ne laisse plus de doute quant au sentiment de la population à l’égard du régime PHTKiste dirigé par Jovenel Moïse. Si celui-ci entretenait encore quel que illusion à ce sujet, les événements du 17 octobre 2020 doivent l’aider à se détromper. La méga-victoire récoltée par le peuple haïtien ne laisse point de doute qu’il souscrit totalement aux revendications qui ont attisé la mobilisation commémorative de l’assassinat de l’empereur Jacques 1er. Voilà un message clair envoyé à Nèg Bannann nan. Le locataire du Palais national semble désormais s’enfoncer dans un contexte où tous les échecs sont possibles.
En effet, les secteurs, qui cherchent à rassurer le président de la République, en butte à une série d’événements traduisant la précarité, même de ce qui reste de son quinquennat, se livrent à toutes sortes de contorsions communicatives pour édulcorer l’échec retentissant qu’il a essuyé, à l’occasion de la commémoration de la date de la mort de Jean Jacques Dessalines. Alors que l’objectif principal du secteur démocratique et populaire ayant lancé les manifestations du 17 octobre, prélude à la mobilisation générale, qui doit aboutir au départ de M. Moïse, est atteint à cent pour cent. Personne, nonobstant les arguments avancés, ne peut ignorer le fait que ce dernier n’ait pu fouler la terre sacrée du Pont-Rouge.
Pour la troisième année consécutive, il lui a été interdit de faire le geste traditionnel : déposer une gerbe de fleurs au pied de la statue de l’illustre fondateur de la Patrie. N’était-ce une cérémonie, à la sauvette, qui s’est tenue au Musée du panthéon national (MUPANAH) ayant regroupé la famille présidentielle (Jovenel Moïse et la première dame Martine Ētienne Joseph), ainsi que les intimes du pouvoir (ministres et une poignée d’autres hauts fonctionnaires de l’État), cette grande fête nationale serait passée comme une journée ordinaire. Cela explique le fait qu’il a été attribuée au chef de l’État la décision de « dénationaliser » l’anniversaire de la date de l’assassinat du premier empereur d’Haïti. On a fait croire, qu’en revanche, Moïse allait décréter la date de naissance de Jean Jacques Dessalines désormais « jour férié ». Tout cela, dans l’intention de faire échec à ce vas te mouvement anti-Jovenel Moïse qui pointait à l’horizon.
Certes, le chef de l’État, dont la vulnérabilité politique se précise, au cours des trois derniers mois, redoutait ce sur quoi allait déboucher la ma – rée humaine qui se préparait à envahir les rues, à la capitale comme dans les villes de province, en cette journée du 17 octobre 2020. À prendre le pouls de la population, dont les opinions émises en public témoignent éloquemment sa répugnance de l’équipe au pouvoir, tout laissait prévoir des actions musclées contre celle-ci, le président au premier chef.
Mais Jovenel Moïse craignait d’autant plus les événements qu’allait charrier cette mobilisation dont il en a déjà fait l’expérience durant deux années consécutives. En 2018, il devait laisser Pont-Rouge en catastrophe et n’avait pu faire, qu’en hélicoptère, le déplacement à Marchand-Dessalines, la capitale de l’empire, où est chanté chaque année le Te Deum traditionnel. Au fait, le président, la première dame, le Cabinet ministériel ainsi que toute sa suite ont quitté les lieux en catastrophe, après avoir « jeté » la gerbe de fleurs traditionnelle au pied de la statue, ayant été pris en chasse, à coups de pierre, par la population en furie. Si la première famille avait eu le temps d’abandonner Pont-Rouge, sans encombre, d’autres membres du cortège présidentiel n’ont pas été aussi chanceux. Dans l’empressement d’abandonner le site historique, des ministres et autres fonctionnaires n’avaient pu s’empêcher de se faire éclabousser en traversant des mares boueuses. Un membre de la sécurité d’Henry Céant, alors Premier ministre, avait même essuyé un violent coup de pierre à la tête, faisant jaillir le sang sur son visage et ses vêtements. Au comble de l’humiliation, le chef de l’État et sa suite auraient pu même effleurer de plus graves dangers.
Mais, en représailles contre les bastions de résistance, voire même d’ – hostilité à son endroit, il devait, quelques semaines plus tard, lâcher ses gangs armés sur le quartier de La Sali ne, un des bidonvilles de la capitale, livrant sa population à la merci des criminels. Selon le bilan établi par des organisations de défense des droits hu mains, corroboré par les Nations Unies, plus de 70 personnes ont été exécutées sommairement, parmi elles des femmes et des enfants en bas âge. Certaines des victimes, hachées à coups de machette, ont été abandonnées dans le cloaque de ce quartier, en pâture aux pourceaux et aux chiens.
Pourtant, Jovenel Moïse et son équipe avaient juré de tenir l’opposition en respect afin que les festivités du 17 octobre 2020 puissent se dérouler sans incident. D’ailleurs, il s’était promis de prouver à tout le monde, sur tout à la communauté internationale, fortement préoccupée par l’insécurité généralisée, imputable aux gangs armées faisant la loi dans les bidonvilles, qu’il était maître du terrain. Voilà pourquoi des mesures drastiques étaient envisagées, notamment carte blanche renouvelée aux malfrats des bidonvilles, pour qu’ils aient recours à ce qu’ils font le mieux, terroriser les citoyens et menacer de mort et de la destruction de leurs maisons ceux qui se mettent en tête de «gâter» la fête du 17 octobre.
En fait, communiquant au pays le message qu’il a reçu du Palais national, Jimmy Chérizier, communément appelé Barbecue, un ex-policier expulsé de l’institution, chef d’une fédération de gangs appelée « G-9 en famille et alliés », qui a été formée en mai de cette année, n’a point fait économie de menaces. Dans une vidéo, qui a été distribuée sur les média sociaux, particulièrement sur WhatsApp, Chérizier dit qu’il allait attendre de pied ferme tous ceux qui se proposaient d’empêcher que les événements du 17 octobre se passent dans la paix et la sérénité. Les informations disponibles ont révélé que pas moins de 500 millions de gourdes ont été dépensées sous forme de primes aux gangs armés pour accomplir leur sale besogne dans les quartiers populaires. En sus de 25 milliards de gourdes de subventions aux hommes d’affaires proches du pouvoir. Selon les mêmes sources, évoluant dans l’orbite du Palais, un montant additionnel de USD 400 mille auraient été destinés à Antonio Sola, le relationniste espagnol at titré de PHTK, chargé de la stratégie visant l’échec de la manifestation du 17 octobre.
Pourtant, toute la stratégie mise en place, et les fonds dépensés pour financer les activités des différents acteurs engagés dans la campagne anti-oppositionnelle, n’ont pas donné les résultats escomptés. Si Jovenel Moïse s’est dépêché de participer à la cérémonie commémorative modifiée de l’anniversaire de la mort de l’empereur, au MUPANAH, pour éviter de se retrouver aux prises avec les manifestants, il a passé le reste de la journée calfeutré en sa résidence privée, à Pèlerin 5, dans les hauteurs de Pétion-Ville. Mais, quoi qu’il ait fait ou manigancé, il n’a pu mettre les pieds au Pont-Rouge, encore moins aller en « pèlerinage » à Marchand-Dessalines, à l’instar de ses prédécesseurs.
Tout compte fait, il ne reste plus une seule once de crédibilité à Jovenel Moïse, si jamais il en avait. Car après avoir été empêché de remplir ses fonctions présidentielles, dans le cadre de cette commémoration, durant deux années consécutives, il aurait dû pouvoir développer une stratégie qui se révélerait payante. En ce sens, il encaisse un échec retentissant. L’opposition démocratique, fer de lance de la mobilisation populaire, vient de remporter sa plus grande victoire depuis son existence. Le message du peuple haïtien à l’occupant du Palais : Quittez le Palais, même avant la date du 7 février 2021. Car c’est l’ultime objectif de la mobilisation qui vient d’être lancée, en cette date du 17 octobre 2020, le message d’un pays dont le seuil de tolérance est franchi.
Cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur VOL. L, No. 41 Édition du 21 octobre 2020 et se trouve en P. 10 à : http://haiti-observateur.info/wp-content/uploads/2020/10/H-O-21-octobre-2020.pdf