NOUVELLES BRÈVES : par Oierre Quiroule II
- Le président Jovenel était-il dans le maquis ?
- Est-il revenu pour de bon ou pour la galerie ?
C’est à ne rien comprendre, le président Jovenel Moïse était vu en public, la dernière fois, le 14 août dernier. Voilà que le pays est dans la tourmente depuis tantôt trois semaines, pas de président pour dire un mot d’apaisement ou d’encouragement. Où a disparu Jovenel Moïse ? Est-il toujours au pays, se demandait tout le monde.
Bien sûr, il est là, car le mardi, 24 septembre, il a fait sortir un communiqué de presse pour annoncer qu’il a renoncé à son voyage à New York où il devait prendre la parole, le jeudi(26 septembre), du haut de la tribune des Nations Unies (ONU), une rituelle à laquelle il commençait à s’habituer déjà, deux années suivies (septembre 2017 et 2018).
En effet, il s’agissait d’un second échec, deux jours suivis, car la veille, soit le lundi 23 septembre, son Premier ministre nommé, Fritz William Michel, avait essuyé un revers retentissant quand il n’avait pu faire son entrée au Sénat de la République afin de faire l’énoncé de la politique générale de son administration. Il s’agit du quatrième Premier ministre de l’ère joveneliene, vieille seulement de 31 mois, mais ostracisé par un peuple éveillé lui faisant la leçon, ainsi qu’à son patron. Comme si les manifestants qui avaient investi le Sénat disaient à Fritz, au Sénat tu ne viendras pas, et à Jovenel, à New York tu n’iras pas.
Faire émettre un communiqué ne dit pas qu’on n’est pas dans le maquis. C’est si vrai, que le président, ayant annoncé un message à la nation dans la soirée du mardi, s’est fait attendre jusqu’à minuit sans se présenter. Ce n’est que le lendemain, mercredi, à 2 heures du matin, qu’il a fait une apparition pour s’adresser à des «zombies» ou «chanpwèl», pour parodier le député Jerry Tardieu, qui n’a pas été tendre envers le chef d’État qui préfère s’adresser à son peuple après s’être assuré que tout le monde dormait.
Donc, rien de convainquant quant à la question qu’on se posait. Est-il vraiment au pays ou s’est-il réfugié chez l’ami dominicain ? Surtout que ses ouailles, pour épater le grand monde, dis- aient tout de go que Danilo Medina, «en solidarité» avec son homologue haïtien, avait décidé de ne pas assister à la 74e session de l’Assemblée générale de l’ONU.
Ce n’est pas possible, disait- on d’un peu partout, que le président d’un pays en ébullition depuis trois semaines soit à ce point insensible, pour ne pas dire inconscient de ce qui se passe autour de lui. Il aurait pu entamer des causeries du genre «anba tonnèl ”, avec ses mandants. Quand on a appris, lundi que Jovenel Moïse a présidé un conseil des ministres par téléphone, on était alors convaincu qu’il était effectivement dans le maquis quelque part.
Puis, Robenson Geffrard, dans un article paru dans Le Nouvelliste, ce même lundi, a laissé entendre que le secrétaire d’État à la Communication, Eddy Jackson Alexis, a confirmé que «c’est effectivement par téléphone» que le président avait pris part au conseil des ministres. Et Eddy Alexis de donner les points essentiels de la réunion : «Sécurité, Santé, Éducation, Assainissement». Alexis devait ajouter que le président opérait à partir de la résidence officielle du Premier ministre, assurément de chez Jean-Michel Lapin ?
On ne saurait confirmer s’il était vraiment chez son Premier ministre Numéro 3, car personne d’autre ne l’a vu, pas même ses propres ministres, tout se faisait par téléphone. Alors, on comprend bien le questionnement de Le Nouvelliste du lundi, titrant : «où est passé le président ?» Et le Miami Herald, en éditorial du «Board», c’est-à-dire du conseil de direction du journal, mardi à 5 heures du matin, déposer la question : «If Haiti’s President Moïse is the leader he claims to be, he must come out of hiding ― and lead». (Si le président Moïse est le leader qu’il prétend être, qu’il sorte de sa cachette ― et dirige».
Puisque «Le Blanc» a parlé, durant la journée d’hier, il fit une apparition au Palais, à Port-au-Prince, confirmant ainsi qu’il est encore en Haïti, ou qu’il y est revenu. Comment est-il arrivé au Palais ? Par hélicoptère ? Assurément, pas en caravane, comme d’habitude ! Car il n se fie pas aux fauteurs de trouble, surtout ceux entraînés à l’usage de roches, pour ne pas dire pierres ! Car, c’est juste après un accueil rocailleux, dans les parages même du Palais, que Jovenel Moïse avait pris le maquis. Histoire à suivre, car une seule apparition ne dit pas habitude !
Haïti à la une : Ce que disent les autres concernant le pays «Haïti est un État failli, avec une économie qui s’est effondrée, ainsi que le politique et le social». Ainsi s’est exprimé Léonel Fernandez, ancien chef d’État de la République dominicaine et candidat aux prochaines présidentielles de son pays. C’est au cours d’une entrevue accordée au journal Listin Diario, parue en ligne, le lundi 30 septembre, que M. Fernandez a tout dit concernant le pays voisin avec lequel il a eu de bonnes relations dans le passé. À ne pas oublier que c’est lui qui a doté Haïti de l’Université du Roi Christophe dans le Nord, un don, avait-il dit, de son pays, suite au tremblement de terre du 12 janvier 2010.
Il ne pouvait cacher son amertume, parlant de ce qui est arrivé au pays «tant l’année dernière que récemment», ajoutant que «tout démontre que définitivement c’est un état failli dans toute l’acception du terme». Et M. Fernandez d’ajouter : «la situation de désespoir que vivent [les gens] du pays voisin constitue un grand défi pour la République dominicaine, d’où l’obligation de renforcer la sécurité à la frontière».
Il a passé en revue tous les problèmes auxquels sont confrontés les Haïtiens, de la surpopulation, de l’économie, disant que celle de son pays est «mille fois pour cent supérieure» en comparaison à celle d’Haïti. Puis, les choses se compliquent par des «problèmes d’ordre structurel et politique», surtout avec le mouvement visant à destituer le président Jovenel Moïse. «Et cela s’aggravera avec le départe des forces de l’ONU». Selon le calendrier établi, la dernière mission onusienne devrait partir ce mois-ci.
On ne saurait tout dire de cette entrevue, qui a touché des points saillants, tels la crise énergétique et en perspective, selon Léonel Fernandez, une crise d’eau potable. Il ne fait pas de doute qu’un Léonel Fernandez au pouvoir encore voudra avoir les coudées franches pour traiter avec des leaders d’un pays en crise sur toute la ligne. Ce n’est pas envoyer dire.
*Haïti s’est insinué dans la politique des États-Unis, à la veille des présidentielles de 2020.
Le sénateur Bernie Sanders, candidat indépendant aux primaires présidentielles du Parti démocrate, représentant l’État de Vermont au Sénat, a pris les devants en ce qui concerne Haïti. Hier, mardi 1er octobre, il a cri- tiqué le président Jovenel Moïse d’avoir lâché ses sbires contre les manifestants qui dénoncent la corruption. En effet, selon Sentinel.ht, le sénateur Sanders a revendiqué un «tweet» de l’agence anglaise de nouvelles Reuters qui a émis une photo d’un journaliste, le second à essuyer une blessure d’arme à feu. On n’oubliera pas que le sénateur Ralph Féthière avait, une semaine plus tôt, utilisé son révolver contre un journaliste-photographe en service pour l’Associated Press et Reuters. Ces attaques contre des travailleurs de la presse ont permis au monde entier de mieux comprendre les enjeux en Haïti.
On soulignera que Bernie Sanders, avec Joseph «Joe» Biden, vice-président de l’administration Obama, et Elizabeth Warren, sénatrice du Massachusetts, sont les trois premiers en terme de popularité dans la course des démocrates. Le gagnant aura à faire face au candidat républicain, en novembre de l’année prochaine.
*Par ailleurs, on apprend que Nancy Pelosi, la présidente de la Chambre basse au Congrès américain, est attendue ce jeudi, en Floride, où elle aura des rencontres avec des Vénézuéliens ainsi qu’avec des Haïtiens. Selon, le Miami Herald, la rencontre avec les Vénézuéliens se fera à Weston et celle avec les Haïtiens à Miami. Mme Pelosi appuie l’équipe de Juan Gaiadó, qui s’est autoproclamé président et qui, avec l’appui des États-Unis, rivalise avec le président Nicolas Maduro. Pour ce qui s’agit des Haïtiens, la cheffe des démocrates, en majorité à la Chambre basse, s’est toujours révélée en faveur tu TPS (Temporary Protected Status) pour les Haïtiens, et maintient qu’avec le chaos battant son plein en Haïti, sous le régime de Jovenel Moïse, on ne saurait penser à refouler les Haïtiens jouissant du TPS en Haïti.
Ce qui se fait du côté démocrate de sitôt dans la campagne indique qu’ils ont appris quelque chose des élections de 2016 quand, en Floride, le candidat républicain, Donald Trump, les avait devancés à «Little Haiti», disant aux électeurs haïtiens qu’il serait leur « champion ” en tant que président des États-Unis. Quel champion ?
*Laissons parler Bernard Sansaricq, ancien président du Sénat en Haïti, devenu citoyen américain en 2006 et d’obédience républicaine. Il fut parmi ceux qui avaient accueilli le candidat Trump à «Little Haïti» en 2016. Le soi-disant «champion», qui allait défendre la cause haïtienne, a vite oublié sa promesse, et laissé tomber Bernard Sansaricq. De dernier n’oublie pas la célèbre phrase «shithole country» (pays de merde) lâchée par le président Trump, ainsi que sa politique scélérate envers Haïti. «Il ne peut pas compter sur nous une nouvelle fois», a-t-il dit. Et voilà, dans une course serrée, avoir le vote haïtien, d’ordinaire votant en bloc, peut faire la différence. L’avocat du président Trump, Rudolph «Rudy» Giuliani connait bien la recette quand, candidat républicain à la mairie de New York, il avait embrassé les Haïtiens. Il n’y a pas de doute que nous reviendrons avec Bernard Sansaricq.
- Pierre Quiroule II 2 octobre 2019
cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, édition du 2 octobre 2019 Vol. XXXXIX no.39, et se trouve en P.15, 16 à : http://haiti-observateur.info/wp-content/uploads/2019/10/H-O-2-oct-2019.pdf