Assassinats et kidnappings, les faits de l’insécurité : Trop c’est trop ! par Éditeur

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  • Assassinats et kidnappings, les faits de l’insécurité : Trop c’est trop ! par Éditeur

L’une  des attributions de l’État, par le truchement des forces de sécurité, consiste à assurer la protection des vies et des biens. Bien que Jovenel Moïse ait pris le pouvoir sous de faux prétextes, le peuple haïtien ne pouvait s’imaginer qu’une fois installé au Palais national, il allait s’afficher en allié des gangs armés et protecteurs des criminels en général, doublé d’un commanditaire d’actes odieux perpétrés sur les citoyens par les bandits de tous acabits. Avec la prolifération des assassinats et des enlèvements contre rançon, le moment est venu pour les citoyens de se mobiliser sérieusement afin de mettre fin aux conditions qui favorisent la marche de cette machine infernale.

On le sait bien, depuis que le kidnapping s’est déclaré en Haïti, en tant qu’entreprise lucrative introduite par les organisations populaires proches de Jean-Bertrand Aristide et leurs alliés, dans les années 90 finissant, ce pays a cessé d’être un lieu sécurisé. Si ce fléau a été quelque peu maîtrisé, vers la fin du gouvernent intérimaire dirigé par l’équipe Alexandre-Latortue, au point de donner un répit aux citoyens, même durant la présidence de René Préval, à partir de l’avènement au pouvoir de Michel Martelly, porté par le Parti haïtien tèt kale (PHTK), l’hydre du kidnapping semblait se réveiller de son sommeil. Mais c’est avec l’entrée de Jovenel Moï se au Palais national avec son cortège de « bandits légaux » que les kidnappeurs commençaient vraiment à reprendre du service. Et au cours de cette dernière année, leurs activités se sont vraiment intensifiées. C’est l’enfer qui se déchaîne !

En effet, il ne se passe une seule journée sans qu’il n’y ait au moins deux personnes enlevées contre rançon, à la capitale haïtienne. Le cas le plus spectaculaire en date, et qui provoque la consternation et la colère dans le pays, est celui de l’écolière Évelyne Sincère. Quelque quarante-huit heures après son kidnapping, par des inconnus, son corps nu a été retrouvé à Delmas 33. Des informations disponibles font croire que cette jeune fille, âgée de seulement 22 ans, a été violée et sauvagement battue avant sa mort. Aussi presque consécutivement à ce kidnapping, le pasteur Eniel Fred et son fils Danielo ont été enlevés, à leur tour, le dimanche 1e novembre, alors qu’ils se rendaient à l’église. Bien que le pasteur et son fils aient été les premières victimes à être libérées par leurs ravisseurs, dans l’espace de vingt-quatre heures, cela n’a pas empêché qu’ils aient connu les affres de ce phénomène, qui humilie et terrorise ses victimes.

Désormais devenu une pratique courante des malfrats contre les citoyens, l’enlèvement contre rançon ne fait aucune distinction d’origine ou de classe sociale. Dans la mesure où ceux qui commettent ce crime n’ont pas encore pensé à s’emparer de leurs victimes en envahissant leurs résidences, il semble que le confinement à domicile soit l’unique façon d’éviter de connaître le mauvais sort du kidnapping. Car avant ces récents cas signalés, un policier fraîchement sorti de l’Académie a été, de même, enlevé. Bien que les autorités policières aient gardé le silence, par rapport à cet acte, il semble que l’institution policière n’ait pas échappé à la demande de rançon, régulièrement exigée pour avoir la libération de la victime. Selon toute vraisemblance, la PNH a dû céder aux exigences des ravisseurs. Le policier enlevé a été libéré plusieurs jours après avoir été pris en otage. Aussi, presqu’en même temps que ce dernier, un homme d’affaires de Carrefour, au sud de la capitale, tenancier de borlette, a été kidnappé par un des chefs de gangs de cette région, qui n’a pas eu froid aux yeux pour revendiquer l’acte. Proche du pouvoir, qui les pourvoie en armes, munition et argent en tant qu’allié, il a remis en liberté cette victime, sans qu’ait été divulguée la somme versée.

Pas besoin d’énumérer tous les cas d’enlèvements contre rançon qui ont marqué au quotidien la vie des résidents de Port-au-Prince. Les victimes de ce phénomène, qui sont répertoriées au jour le jour témoignent de la pertinence de cette réalité. Point n’est besoin de souligner le désarroi, la peur et le sentiment d’impuissance que vivent les familles, face à l’indifférence, sinon à l’impuissance affichée par les autorités se retrouvant dans l’impossibilité d’agir, ou ayant volontairement décidé de donner carte blanche aux criminels. On comprend pourquoi, d’aucuns mettent les kidnappings au compte du pouvoir en place. Et pour cause ! Cette tendance semble bien installée dans les mœurs du pays. Car, dès qu’il y a enlèvement, le versement d’une rançon est automatique. Et à cause de la nonchalance affichée par l’Exécutif et les autorités policières, il semble que les parents des victimes mènent eux-mêmes les négociations avec les bandits, tout en gardant le silence. Au bout du compte, la somme exigée est versée. Les autorités ne s’impliquent pas. Ni vu ni connu !

On se souvient, d’heureuse mémoire, qu’au fort des enlèvements, sous le gouvernement intérimaire ― et même sous l’administration Préval, une brigade anti-kidnapping a été créée au sein de la Direction centrale de la Police judiciaire (DCPJ). Cette entité travaillait de concert avec les parents des victimes et avait une bonne réputation en matière de réussite à libérer les victimes et/ou à appréhender les criminels. Mais il semble que les décideurs du pays, à l’heure du régime tèt kale, aient de bonnes raisons de laisser faire aux hors-la-loi. En tout cas, ceux qui se livrent à ce genre d’activités ont le vent dans les voiles, car ce sont eux qui fixent les règles du jeu.

Mais la nation fait preuve de tolérance envers le pouvoir, négligeant même de lancer une mobilisation générale contre la criminalité. Puisque le kidnapping et les assassinats, qui ne cessent de se multiplier, sont les deux ailes du même oiseau que constitue l’insécurité. À l’instar des enlèvements, qui se donnent libre cours, à la capitale, fauchant la vie des citoyens de tous âges, sans que les assassins ne soient jamais identifiés et mis hors d’état de nuire, ceux qui perpètrent les meurtres courent encore. Or, bien même des hommes liés à l’exécution du bâtonnier de l’Ordre des avocats de Port-au-Prince, Me Monferrier Dorval, se retrouveraient derrière les barreaux, rien n’autorise à croire qu’ils se présenteraient un jour devant leur juge naturel. Car, dans la meilleure tradition PHTKiste, ils risquent d’être élargis à la cloche de bois, sans autre forme de procès.

Certes, avec Jovenel Moïse au Palais national et les PHTKistes au pouvoir, les assassins et les kidnappeurs jouissent de l’impunité. Tout comme l’homme de la banane s’emploie à protéger les dilapidateurs du Fonds PetroCaribe, ceux qui détournent la caisse de l’État, qui font dans la surfacturation et la corruption en général, il s’érige aussi en protecteur des criminels de toutes catégories. Grâce à lui, les ravisseurs contre rançon, qui enlèvent le sommeil aux familles, et les tueurs à gages à la solde de l’Exécutif n’ont à s’inquiéter de rien. Leurs lieux de résidence restent interdits à la Police, même après qu’ils aient perpétré des carnages dans les bidonvilles.

De toute évidence, Jovenel Moïse don ne droit de cité aux bandits qui commettent de tels actes. Aucune chan ce que cette politique change avant la fin de son mandat. Oui, trop c’est trop ! Dans la mesure où la nation aspire vraiment à mettre fin aux assassinats et aux kidnappings, il ne lui reste qu’à se mobiliser comme un seul homme pour chasser tous les criminels du Palais national, à brève échéance !


Cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, édition du 4 novembre 2020 VOL. L No. 43 NYC ; et se trouve en P. 10 à : http://haiti-observateur.info/wp-content/uploads/2020/11/H-O-4-november2020.pdf