Adieu au congressiste John Lewis, vétéran des droits civiques par Pierre Quiroule II

NOUVELLES BRÈVES ? par Pierre Quiroule II

  • Adieu au congressiste John Lewis, vétéran des droits civiques

Hier, mardi, 28 juillet, le cercueil renfermant les dépouilles de John Lewis, ce vétéran des luttes pour les droits civiques des Noirs des années ’60, se trouvait encore au Capitole, l’immeuble où siège le Congrès américain, la deuxième journée de son exposition là où il avait continué de mener la lutte, durant 33 ans, sur le plan législatif, représentant le 5e district de la Géorgie. Élu tous les deux ans, il est surnommé “La Conscience du Congrès”. Un hommage bien mérité pour quelqu’un qui est resté égal à lui même et devenu un symbole de résistance contre le racisme et un défenseur acharné de la cause de ses congénères.

Ces deux jours dans l’enceinte du Congrès ont suivi une tournée en ville, à bord d’un corbillard, décoré aux couleurs nationales, comme pour saluer, une dernière fois, les institutions de Washington, tel l’immeuble de la Cour Suprême, le Musée dédié au Noirs, dont il fut le promoteur, ainsi que d’autres points centraux de la capitale américaine, dont l’immeuble dit “Lincoln Memorial”, en mémoire du président Abraham Lincoln, qui avait signé l’acte de l’émancipation des esclaves le 1er janvier 1863.

À noter que John Robert Lewis, né le 21 février 1940, dans les environs de Troy, dans l’état d’Alabama est décédé le 17 juillet, à Atlanta, en Géorgie, à l’âge de 80 ans, suite à un cancer du pancréas. De nombreuses cérémonies en sa mémoire, dans l’Alabama et en Géorgie témoignent de son empreinte sur le déroulement de la lutte pour les droits civiques aux États-Unis. Mais ce qui s’est passé à Washington les deux premiers jours de cette semaine ont beaucoup de poids dans la balance.

En effet, le lundi, 27 juillet, lors des grandes cérémonies au Capitole, avant que le grand public n’ait accès à la “Maison du peuple” pour saluer, une dernière fois, cette icône, parmi les officiels de haut niveau à faire le déplacement au Capitole, il y a lieu de mentionner le vice-président Mike Pence et l’ex-vice-président Joseph “Joe” Biden, le candidat des démocrates aux élections présidentielles du 3 novembre prochain. Le président Donald Trump avait annoncé qu’il ne comptait pas se présenter au Capitole.

On soulignera, cependant, nonobstant COVID-19, John Lewis a reçu un honneur à caractère bipartisan: Le chef de la majorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell, originaire d’Alabama comme lui, maintenant sénateur représentant l’état de Kentucky, a rappelé comment il a côtoyé John Lewis depuis la “Marche sur Washington”, le 28 août 1963. “Il était d’un esprit exemplaire”, devait dire McConnell. Le chef de la minorité au Sénat, le démocrate Charles “Chuck” Schumer, de New York, dé posait une gerbe de fleurs. D’autres faisaient autant.

Mais c’est Nancy Pelosi, présidente de la Chambre basse, à majorité démocrate, qui a fait l’éloge de cet homme extraordinaire qui est attendu au ciel, dit-elle. “Nous savons qu’il œuvrait toujours aux côtés des anges”, devait-elle dire, “et nous savons que maintenant, il est en compagnie des anges”. D’autres législateurs aux postes de direction des deux partis y étaient: le leader de la majorité démocrate à la Chambre basse, Stenny Hoyer, du Mary land, et celui de la minorité, le républicain Kevin McCarthy, de la Californie, ainsi que le seul sénateur Noir républicain, Tim Scott, de la Caroline du Sud. En cet te occasion solennelle, les législateurs des deux partis ont démontré que John Lewis avait transcendé les clivages politiques.

Une personnalité de marque a fait une impression remarquable. Il s’agit de la mairesse de la capitale américaine, Muriel Bowser, une Noire qui, en maintes occasions, a manifesté du dégout pour le président qu’elle traite de raciste. Serait-ce la raison qui aurait poussé le président Trump à s’abstenir de se présenter au Capitole ? En tout cas, la fameuse photo qu’elle avait prise en compagnie du disparu quand, au mois de juin, il avait apporté son soutien à la mairesse, faisait partie du décor. Et l’on voyait le slogan BLACK LIVES MATTER écrit en grandes lettres là ou la photo a été prise, dans le parc Lafayette, face à la Maison-Blanche devenu, d’ordre de la mairesse, BLACK LIVES MATTER PLAZA!

Bien avant Mme Pelosi, le Rev. Grainer Browning Jr., qui officiait lors de la partie religieuse de la cérémonie, avait fait mention de l’accueil auquel devait s’attendre John Lewis en arrivant au ciel. Son collègue du Maryland, Elijah Cummings, qui l’a dévancé depuis le mois d’octobre de l’année dernière l’attend, ainsi qu’Emmett Till et George Floyd qui l’auront remercié d’avoir “me né le bon combat, et qu’ils n’étaient pas morts en vain”.

Assurément, la référence à George Floyd ne nécessite aucune explication, car il s’agit d’un fait récent. Mais Emmett Till ? C’est un jeune Noir de 14 ans, de Chicago, en vacances d’été, chez des parents à Money, dans l’état sudiste de Mississippi en pleine époque de ségrégation raciale, qui a été lynché le 28 août 1955, par – ce qu’une Blanche de 21 ans, mariée, Carolyn Bryant, l’avait accusé de lui faire les yeux doux. Ainsi, fut-il pendu à un arbre après les bastonnades d’une meute de Blancs enragés. Ainsi, devint-il un symbole, à l’instar de George Floyd, mettant l’accent sur les cruautés exercées contre les Noirs.

Oui, John Lewis sera en bonne compagnie avant la fin de la semaine, car après l’exposition de sa bière au Capitole d’Atlanta aujourd’hui (mercredi), un service funéraire, dit privé, aura lieu jeudi, à l’église baptiste Eben Ezer, dans le sanctuaire Horizon. Un dernier geste symbolique, car c’est l’église où avait milité son compagnon de combat pour les droits civiques, le pasteur Martin Luther King, assassiné à Memphis, Tennessee, le 4 avril 1968. Assurément, lui aussi, accueillera John Robert Lewis. Paix à son âme!

*C’est ce même vendredi, 17 juillet, qu’est décédé un autre activiste des droits civiques, le pasteur C. T. Vivian. C’est aussi à Atlanta, en Georgie que le pasteur Vivian a fait le voyage éternel, âgé de 95 ans.

Point orateur, style John Louis, ou Martin Luther King, il faisait partie de l’équipe et s’était distingué en tant qu’organisateur. On lui attribuait le titre de “field general”, général de terrain dans l’organisation du pasteur King. D’ailleurs, il faisait partie du conseil d’administration (Board) du “Southern Christian Leadership Conference”.

Il avait participé, au premier rang, dans des manifestations historiques, dont celle dite de “Pettus Bridge”. En effet, c’est sur ce pont, reliant Selma à Montgomery, Alabama, que des policiers, chiens voraces à l’appui, avaient attaqué les manifestants des droits civiques, le 7 mars 1965, les matraquant de coups de bâtons, de chaînes, causant beaucoup de dommages. C’est aussi sur ce pont que John Lewis a été renversé par terre, causant des blessures à la tête. Eh bien, le jeune C. T. Vivian était de leur nombre. On soulignera que, dans le cadre des torts à redresser en faveur des Noirs, le pont “Edmund Pettus” pourrait changer de nom, pour devenir le “John R. Lewis Bridge”, honorant ainsi le défunt qui avait subi des sévices corporels sur ce pont-là.

Selon ce qu’on rapporte à son sujet, c’est le Rev. Vivian qui animait la mobilisation lors des campagnes ayant accouché du “Civil Rights Act” de 1964 ainsi que du “Voting Rights” de 1965. Apparemment, deux géants de la campagne pour les droits civiques des Noirs, voisins limitrophes, s’étaient donnés rendez-vous pour le 17 juillet. Paix aussi à son âme!

*Dans le dossier COVID-19, il y aurait une bonne nouvelle, tandis que la pandémie redouble d’ardeur. Un médecin de souche haïtienne est à l’honneur. On reviendra sur la situation alarmante quant à la remontée de COVID-19 dans quelque 21 états des États-Unis, targués de “zone rouge”. Mais attardons-nous d’ abord sur la bonne nouvelle.

Lundi, c’est-à-dire avant-hier, 27 juillet, le vice-président Mike Pence se trouvait à Miami, Floride, pour mettre en branle ce qu’on dit être la “Phase 3” d’un vaccin anti-COVID-19. En effet c’est la compagnie Moderna, basée dans le Massachussets, qui paraît devancer les autres dans la recherche d’un vaccin capable de mettre en déroute le virus mortel qui a déjà infecté plus de 16 millions de par le monde, dont le quart aux États-Unis, soit 4.4 millions, et causé 658 813 décès à l’échelle mondiale, dont 151 374 aux E.U. À souligner que les actions de Moderna à la Bourse de New York, le Dow Jones Average, a fait un bond de 15% hier, mardi.

Ce qui a attiré notre attention ce lundi à Miami, c’était de voir le Dr. Henri Ronald Ford, masque au visage, introduire le gouverneur de la Floride, Ron De Santis qui, à son tour, introduisait le vice-président, annonçant que l’hôpital universitaire de Miami participe à l’essai du vaccin, et que quelque 30 000 individus à travers le pays se sont portés volontaires, devenant des cobayes en vue de prouver l’efficacité du vaccin.

Revenons à ce Dr. Ford. Mais c’est le fils du Pasteur Guillaume Ford, plus que centenaire, qui fut directeur du Service d’Immigration et d’Émigration en Haïti, dans les années ’60 et qui a sauvé la vie à bon nombre d’Haïtiens qui ont pu obtenir leurs passeports, les permettant ainsi de laisser le pays à un moment où la dictature de Duvalier père exigeait que pour certains individus, il fallait l’approbation du Palais avant de recevoir le précieux document de voyage. Voilà que le fils Ford, doyen de la “Leonard M. Miller School of Medecine”, joue un rôle clé dans le processus d’un vaccin salvateur, marchant sur les brisées de son père, toutefois dans un autre domaine. Encore, un scientiste de souche haïtienne, au premier rang dans la guerre sanitaire à l’échelle globale! On reviendra là-dessus.

*Le coronavirus fait une montée vertigineuse aux États-Unis, où 21 états sont déclarés “zone rouge”. La Californie a détrôné New York, devenant l’état ayant plus de personnes infectés, D’ autres états, surtout dans le Sud et dans l’Ouest des E.U., tels Arizona, Texas, la Floride et autres sont obligés de réviser tous les plans et surseoir à la reprise des activités économiques. Il ressort que ces états. Où l’on était allé trop vite en besogne, font partie de ceux les plus atteints.

On trouve aussi que la majorité des nouveaux infectés sont au-dessous de 40 ans. Ce qui indique que ce sont eux qui ont fait fi aux consignes de distanciation sociale et du port du masque. On les a vus, en masse aux restaurants, aux bars, même sur les plages. Se moquant du virus, certains ont organisé des randonnées dites “Corona virus parties”. Comme résultat: Plus de contaminés. Les autorités ont du pain sur la planche. Dans l’état de New York, le gouverneur Mario Cuomo menace des entreprises qui perdront leur licence pour dispenser de l’alcool. Dire que New York a fait des progrès énormes, n’ayant eu qu’un seul décès attribué au virus samedi dernier.

*Le Conseiller du président Trump en matière de Sécurité nationale testé positif du COVID-19. C’est lundi, 27 juillet, que la nouvelle a surpris tout le monde: Robert O’Brien est testé positif du virus qui n’épargne personne. Et la Maison-Blanche d’annoncer qu’il serait en confinement, mais toujours au travail. La dernière fois qu’il a été physiquement proche du président remonte à jeudi de la semaine dernière, soit le 23 juillet. C’est le personnage le plus haut placé de l’administration à être atteint jusqu’à présent. On se souvient qu’en premier lieu, il s’agissait d’un serveur au service du président qui avait été testé positif, puis la secrétaire du vice-président Mike Pence. Et, en tout dernier lieu, la petite amie du fils du président, Donald Junior.

Mais Monsieur le président continue à souffler du chaud et du froid à la fois. Il dit qu’il faut se masquer, “c’est patriotique”, se laver les mains souvent et pratiquer la distanciation sociale. Mais on l’a vu masqué deux fois seulement. Et hier, mardi, 28 juillet, il a été sanctionné par Twitter qui a effacé un de ses messages où il avait repris les propos d’un médecin proposant la “hydroxycholoroquine”, un remède contre la malaria pour combattre le coronavirus. Or, le Center for Disease Control and Prevention (CDC) a défendu vigoureusement l’utilisation de ce produit dans le traitement pour COVID-19. “Voilà un président qui joue avec la vie des gens”, s’est exclamé son rival dans la course électorale, Joe Biden. * Pierre Quiroule II, 29 juillet 2020


cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, édition du 29 juillet 2020, VOL. L, No.29 – New York, et se trouve en P. 16, 9 à : http://haiti-observateur.info/wp-content/uploads/2020/07/h-o-29-juillet-2020.pdf