Arnel Joseph arrêté, il faut craindre ses révélations : Haïti sous l’empire d’un régime terroriste par Editor
Il y a longtemps que les informations recueillies sur les gangs armés font état de leur proximité avec le gouvernement en place, tant au niveau de la présidence qu’à celui de parlementaires dévoyés. Des rapports crédibles colportés dans les médias et les réseaux sociaux faisaient croire qu’ils doivent leur existence aux hommes du pouvoir qui les pourvoient en armes, munitions et en logistiques. Pire encore, ils sont grassement rémunérés, mieux que les policiers, dans certains cas. Avec l’arrestation d’Arnel Joseph, toute la vérité va éclater au grand jour. Mais, d’ores et déjà, des révélations qui lui sont attribuées, diffusées par les mêmes moyens et répercutées encore dans la presse, semblent confirmer nos pires appréhensions.
Au moment où ce chef de gang, longtemps soi-disant recherché par la Police, avant sa capture, faisait la pluie et le beau temps, on parlait des bonnes relations qu’il avait avec les officiels du pays. Suite à la saisie de son téléphone par les forces de l’ordre, à l’occasion d’une tentative antérieure de son arrestation, ont été identifiés les numéros de téléphone de ses interlocuteurs réguliers. Des sénateurs et d’autres personnalités proches du Palais national, ainsi que des parlementaires figuraient parmi ses contacts.
Mais les informations émanant de sources policières, suite à son arrestation, ont laissé croire que les autorités politiques du pays, notamment celles de l’Exécutif et du Parlement, entretenaient des relations privilégiées avec les criminels en général. D’ailleurs, la confiscation du téléphone de Ti-Je, le chef de gang de Savanne Pistache, abattu par la Police lors d’un guet-apens, au mois d’avril dernier, a montré qu’il avait lui aussi des relations de proximité avec des parlementaires. Il semble que ces derniers servaient de liaison entre les bandits et la présidence. On avait même appris que des parlementaires et d’autres membres de l’Exécutif assuraient la liaison entre les chefs de gang et le gouvernement.
Mais on était loin de penser que le président lui-même aurait des attaches serrées avec les criminels. Or, on vient de rapporter que, dans le cadre de son interrogatoire par des agents de la Direction centrale de la Police judiciaire (DCPJ), le chef de gang de Village de Dieu/Marchand Dessalines aurait confessé que Jovenel Moïse a eu l’occasion de converser avec lui par le truchement du téléphone du sénateur Gracia Delva. Ce qui démontrerait sans aucun doute que ce dernier joue le rôle de liaison entre la présidence et ce criminel.
Les informations révélées sur Arnel Joseph, que les inspecteurs de la DCPJ ont comparées avec les données trouvées sur son téléphone, mettent en évidence un gouvernement dont la gestion du pays et la politique qu’il dégage dépendent totalement de son étroite collaboration avec le secteur criminel. À l’analyse des faits, on peut déjà conclure que tous les chefs de gang, qui se partagent le contrôle des différents quartiers populaires de la capitale et d’autres endroits, contribuent, selon leurs attributions, à l’exécution de la politique gouvernementale. Par le biais de députés, de sénateurs, de ministres ou encore de secrétaires d’État, ainsi que d’autres, selon les aveux d’Arnel Joseph, tous les criminels sont au service du pouvoir.
En effet, rien qu’en ce qui concerne le chef de gang de Cité de Dieu/Marchand-Dessalines, embrigadé par le pouvoir depuis 2011, les ordres sont passés d’assassiner des opposants du régime Tèt Kale, d’en kidnapper d’autres, ou encore de récupérer des cargaisons de drogue larguées quelque part sur le territoire national. On peut même dire, à partir des révélations d’Arnel, que le crime organisé en Haïti, sous l’administration des gouvernements PHTKistes, repose sur un système hiérarchisé avec le président de la République au sommet et les ministres avec leurs alliés au Parlement servant de courroies de transmission des décisions, par le truchement des chefs de gang.
Grâce au système mis en place, le financement des activités est assuré. On peut dire que tout ce qui vaut pour Arnel Joseph l’est aussi pour les autres chefs de gang. Si leur mode de fonctionnement reste encore à se révéler, il faut attendre qu’ils soient capturés pour mieux connaître, sinon corroborer tout ce qu’on connaît déjà.
À la lumière de tout ce qu’on sait jusqu’ici, dans la mesure où le monde de la pègre est financé par le gouvernement, on ose dire qu’elle pèse lourdement sur les finances de l’État. Voilà un autre facteur qui contribue au déficit budgétaire, à l’inflation galopante et à la baisse effrénée de la monnaie nationale. Surtout quand Jovenel Moïse et ses alliés au sein de l’administration publique utilisent ces opérations pour grossir leurs comptes en banque. Puisque, quand s’effectuent les retraits de fonds en faveur des chefs de gang, ces derniers n’en reçoivent que 60 %.
Tout ce que l’on a, à ce jour, des relations du pouvoir avec Arnel Joseph inquiète on ne peut plus. Mais il semble que cela risque de donner la frousse aux puissants de l’heure, au fur et à mesure qu’il révèle ses secrets aux interrogateurs de la DCPJ. On comprend bien à quoi sont exposés les citoyens et les familles se retrouvant à la merci de dirigeants utilisant les moyens extra judiciaires pour régler leurs comptes avec leurs ennemis politiques. Mais cela se révèle encore plus grave pour les États voisins, continuellement forcés d’inventer des moyens de contrôler les criminels. Les gouvernements étrangers, qui comptent sur la collaboration intelligente et franche d’autres pays, pour sécuriser leurs frontières et leurs sociétés, ne pourront pas compter sur une Haïti sous la houlette du PHTK pour faire régner la paix et le droit sur leur territoire.
Après tout, les faits révélés par l’arrestation d’Arnel Joseph montrent que le peuple haïtien est captif d’une équipe de terroristes qui décide en lieu et place d’un État de droit. Il est plus que temps de changer la donne.
cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, édition du 31 juillet 2019, Vol. XXXXIX no. 30, et se trouve en P.10 à : http://haiti-observateur.info/wp-content/uploads/2019/07/H-O-31-juillet-2019.pdf