NOUVELLE NOMINATION AU SEIN DU SYSTÈME JUDICIAIRE
- Claudy Gassant nommé directeur de l’ULCC
- Les contradictions seront-elles réconciliables ? Par Léo Joseph
La nomination de l’ancien juge d’instruction Claudy Gassant, à la direction générale de l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC) a suscité des commentaires pas trop flatteurs évoquant les fortes critiques qu’avait portées ce dernier à l’égard de Jovenel Moïse qui se trouvait sous le coup d’une inculpation pour blanchiment d’argent. Il avait, à l’époque où avait été lancé le débat si oui ou non Nèg Bannann nan devait prêter serment avant que soit rendu le verdict de la justice.
Nommé par arrêté présidentiel, M. Gassant, ancien commissaire du gouvernement de Port- au-Prince, a été installé dans cette fonction, sans perdre de temps. Pour avoir frappé fort contre Jovenel Moïse, dans ses démêlés avec l’Unité centrale de référence fiscale (UCREF), le président ne porte pas M. Gassant dans son cœur. Voilà pourquoi sa nomination à ce poste sensible est accueillie pour le moins avec un peu de réserve, portant plus d’un à émettre l’opinion que l’ex-commissaire du gouvernement avait dû faire «amende honorable» pour se retrouver dans les bonnes grâces de M. Moïse. Mais le mystère entourant l’accès de Claudy Gassant à l’ULCC reste entier. La question se pose donc : qu’est-ce que l’ex-commissaire du gouvernement est venu chercher dans cette galère, quand on sait qu’il ne devrait y avoir rien de commun entre lui et ce chef d’État toujours en porte à faux par rapport à la justice.
Vu les relations de Gassant avec la communauté juridique internationale, il y a fort à parier qu’il n’est pas venu pour faire le chien couchant devant Jovenel Moïse. D’ailleurs, n’importe qui dans l’entourage de ce dernier ne manquera de confirmer que les deux hommes n’entretiennent pas de relations agréables. Donc tout porte à croire qu’il se cache quelque chose derrière ce semblant de rapprochement entre un président ignorant au juste ce que lui réserve demain et un homme de loi qui ne demande qu’à prouver à ses «admirateurs» qu’il restera «égal» à lui-même.
Quelles concessions Jovenel Moïse serait-il prêt à faire ?
On ne devrait pas oublier que Jovenel Moïse n’a pas toutes les cartes en sa possession. Confronté à une opposition de plus en plus intransigeante, il semble vouloir s’appuyer sur la communauté internationale pour avoir la meilleure partie de ce que pourrait être «la solution de sortie de crise». Il serait donc prêt à faire la courbette devant les moindres propositions offertes par la communauté internationale. Dans les milieux diplomatiques, tant à Washington qu’à Port-au-Prince, le dossier de la corruption fait l’objet de grandes préoccupations. S’il est proposé à au président Moïse de jeter du lest en montrant qu’il est sérieux quand il prétend vouloir entrer en campagne contre ce fléau, il doit afficher concrètement un tel sentiment. Aussi une décision prouvant qu’il entend aller vraiment en besogne contre la corruption sera-t-elle un pas dans la bonne direction. Et si cela signifie doter les organismes de lutte contre ce crime de directeurs qui ne badine pas avec les dossiers.
Cela peut vraiment expliquer le choix de Gassant à la direction de l’ULCC. Surtout qu’on prétende ce dernier bien coté, dans les milieux internationaux de lutte contre la corruption. Dans un tel ordre d’idées, pareil raisonnement accréditera la thèse selon laquelle la Jovenel Moïse n’a pas jeté son dévolu sur l’ancien commissaire du gouvernement de Port-au-Prince pour mener la campagne contre la corruption au niveau de cette institution. Selon toute vraisemblance, il a été imposé à Jovenel en tant que pièce maîtresse dans une machine anti-corruption devant être lancée sous la supervision de la communauté internationale. Seul moyen, serait-on prêt à affirmer, de ramener la paix avec le moins de heurt.
En tout cas, toutes les pièces de la machine n’ont pas encore été mises en place. Selon toute vraisemblance, il faut s’attendre à ce que d’autres acteurs viennent complémenter Claudy Gassant.
cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, édition du 4 décembre 2019, VOL XXXXIX No.47, et se trouve en P.1, 13 àhttp://haiti-observateur.info/wp-content/uploads/2019/12/H-O-4-december-2019.pdf