Kidnapping à l’église adventiste, Jovenel Moïse et ses alliés à l’œuvre par Éditorial
Après tout ce qu’on a constaté, depuis que l’enlèvement contre rançon prend la forme de phénomène national, on ne cesse de confirmer le rôle du pouvoir en tant que commanditaire de cet acte criminel. Dans la mesure où les gangs armés proches de la présidence sont identifiés comme étant les agents officiels de celle-ci, dans la commission de ce crime, on ne peut que conclure qu’ils agissent en son nom. Le kidnapping d’un pasteur d’une église adventiste de Diquini, au sud de la capitale, ainsi que trois de ses fidèles, parmi eux le maestro de la chorale, jette un éclairage direct sur cet te manifestation. Il constitue une preuve de plus de l’identité du sponsor de cet acte scélérat, qui terrorise les familles de la classe moyenne, en sus d’apporter la tristesse en son sein et de la dépouiller. En clair, c’est la mafia se substituant au gouvernement à l’œuvre.
L’irruption de bandits lourdement armés dans l’église adventiste « Galaad », à Diquini, s’était soldée par le kidnapping du pasteur titulaire, Audalus Estimé, ainsi que le maestro de la chorale et deux autres membres de cet te assemblée. Ce scandale, l’ultime en registré en Haïti, est devenu viral sur les réseaux sociaux, en raison de sa particularité. Car, dans l’Haïti de Jovenel Moïse et du PHTK, peuplé de misères, de peurs, de désolations, de dévastations, de désespoirs, et de deuils causés par les criminels, à la solde du pouvoir, personne ne s’imaginerait que le président de facto aurait l’outrecuidance de faire envahir le sanctuaire d’une église par ses sbires « lourdement armés », dans le but de perpétrer un acte abominable, surtout sur la personne d’un ministre de Dieu, à pied d’œuvre, assumant la noble responsabilité que lui a confiée son maître : paître le troupeau de l’Éternel. Il faut alors se demander comment en sont venus, même des criminels, à prendre la décision de perpétrer un tel acte. Pire encore, ses commanditaires!
En effet, aucun doute, Jovenel Moï se et son équipe sont à l’origine de cette intrusion dans un lieu considéré saint par tous les croyants, à quelque foi qu’ils appartiennent. Même si tous les non-croyants ne partagent pas cette déférence, ils n’auraient jamais pensé à violer une église, de quelque manière, et à quelque dénomination qu’ils appartiennent. Animés d’un esprit de vengeance sans limite, Jovenel Moïse et ses collaborateurs, de même espèce que lui, ont choisi le jeudi saint (à la da te du 1er avril) pour faire des représailles contre le secteur protestant, sans s’imposer aucune retenue.
Le président de facto en veut aux dirigeants d’églises de la foi protestante pour avoir orchestré la manifestation ayant drainé le plus de monde dans les rues de la capitale et des villes de province, à la date du 28 février, soit plus d’un million et demi de citoyens manifestant contre lui. Quand on y ajoute ceux mobilisés dans les neuf autres départements, le nombre de protestataires anti-Moïse a pu s’élever à environ 4 millions à travers la République, ce jour-là. Surtout qu’à la faveur de cet élan trouvé, le dernier mouvement lancé pour exiger son départ du Palais national, suite à la fin de son mandat constitutionnel, depuis le 7 février, va assurément se renforcer, au fil des prochains jours. Et pour cause ! La prochaine manifestation appelée par ce même secteur auquel se sont ralliées toutes les autres dénominations, en sus des organisations de la société civile, ont drainé pas moins d’un million de citoyens, rien qu’à Port-au-Prince.
À la suite de la bonne recette qu’ont récoltée les dernières mobilisations anti-Moïse, le mouvement de l’opposition, en général, s’est trouvée une virginité inconnue auparavant. Cela n’augure rien de bon pour l’occupant illégal du Palais national, car la mobilisation, de plus en plus nombreuse, attire l’attention de la communauté internationale dont l’indifférence, trop longtemps affichée à l’égard du mouvement de contestation haïtien, montre des signes d’un changement d’attitude.
Si le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), l’ambassade américaine, à Port-au-Prince et leurs al liés du CORE Group manifestent une sacrée insouciance à l’égard des actes criminels perpétrés par les bandits au service de Jovenel Moïse, ainsi qu’à l’endroit du kidnapping spectaculaire du pasteur de l’église adventiste et les trois membres de son église, d’autres voix autorisées se sont fait entendre, en signe de réprobation.
Certes, face au silence du Département d’État de Joe Biden, le congressiste Andy Levin, représentant du Michigan, au Congrès américain, n’y est pas allé de main morte pour exposer la vérité. Aussi a-t-il dit, dans un tweet daté au lendemain même du ravissement du pasteur et des trois autres personnes : « Les mots ne suffisent pas pour traduire le niveau d’impunité et l’absence totale d’irresponsabilité en Haïti, sous Jovenel Moïse». Dans le même message, M. Levin prend ses distances par rapport à la politique du président américain vis-à-vis de ce dernier. Aussi a-t-il ajouté : «Je ne me tairai pas. Arrêtons de dire n’importe quoi sur le fait que des élections légitimes sont possibles dans ces circonstances. Nous devons travailler pour le changement, dès maintenant».
Si, dans le cadre de sa politique haïtienne, l’administration Biden-Harris, par son silence à l’égard des dérives du président de facto haïtien, se retrouve, volontiers, dans la même galère que Jovenel Moïse et son équipe, d’autres voix se sont élevées contre les kidnappeurs. C’est, par exemple, le cas de Susan D. Page, dont la mission onusienne précédait le BINUH dirigé par Helen Meagher La Lime, s’est exprimée également dans un tweet, le 2 avril, disant : « Terrible nouvelle d’un autre enlèvement à Port-au-Prince, Haïti. Nous prions pendant ce weekend saint pour que toutes les personnes enlevées alors qu’elles chantaient des louanges [à Dieu] soient libérées rapidement et en toute sécurité, et que les ravisseurs soient traduits en justice! »
Nous devons signaler aussi que des organes de presse américains (New York Times et Washington Post) et canadiens (La Presse et Le Devoir), par exemple, pour ne citer que ceux-là, gardent encore le silence, près d’une semaine après cet acte hautement criminel. Mais tel n’est pas le cas pour des journaux comme The Miami Herald et USA Today (ce dernier diffusé à l’échelle nationale, aux États-Unis) ont dénoncé avec force les auteurs du kidnapping et leurs commanditaires.
De toute évidence, l’immoralité, la criminalité, la corruption et d’autres dérives qui caractérisent le régime PHTKiste dirigé par Jovenel Moïse ne sont pas universellement cautionnés. Dans le passé, les administrations amé ricaines ne perdaient jamais de temps à se désolidariser des dictateurs, des criminels et les corrompus au pouvoir en Haïti. Au fait, elles dénonçaient de tels dirigeants pour beaucoup moins que ce que le peuple haïtien reproche à Nèg Bannann nan.
L’équipe démocrate, présentement logée à la Maison-Blanche, a définitivement perdu le nord. D’aucuns se demandent s’il lui reste encore un peu de bon sens pour se ressaisir. Surtout quand il est quasi universellement reconnu que les enlèvements contre rançon, les massacres perpétrés par les « gangs fédérés », ainsi que les assassinats récurrents sont l’œuvre des autorités du pays par voie de substituts qui sont des criminels « patentés ».
Cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, édition du 7 avril 2021 VOL. LI, No. 13 New York, et se trouve en P. 10 à : http://haiti-observateur.info/wp-content/uploads/2021/04/h-o-7-avril-2021.pdf