Lâché par la communauté internationale… Il menace de faire des «révélations»… Le Forum économique menacé de rupture… Séparée de son Mari, Martine Moïse désemparée à New York… par Léo Joseph
- SUITE À UNE SÉRIE DE REVERS POLITIQUES ET DIPLOMATIQUES
- La présidence de Jovenel Moïse en agonie…
Même quand il ne lui reste plus d’énergie pour se battre politiquement, Jovenel Moïse entend s’accrocher désespérément au pouvoir, car se sentant exposé à toutes les menaces imaginables, une fois dépouillé des pouvoirs de la présidence. Suite à une série de revers politiques et diplomatiques qu’il a essuyés, au cours des dernières 48 heures, Nèg Bannann nan se rend finalement à l’évidence que ses jours sont comptés au Palais national. Présentement aux abois, il est en train de gérer difficilement son désarroi, surtout parce qu’il se retrouve séparé de sa femme. Tout cela arrive au moment où s’éloignent de lui les appuis sur lesquels il pouvait compter.
Le plus grand échec qu’a encaissé Moïse est son incapacité à effectuer le déplacement à New York pour assister, comme l’année dernière, à la 74e Assemblée Générale des Nations Unies, suite aux échecs répétés qu’il a endurés en voyant tourner court les efforts qu’il a tentés pour faire ratifier son premier ministre nommé par les deux Chambres. Incapable de participer à cette grande Assemblée, sans qu’il ne parvienne à faire passer au vote l’énoncé de la politique générale de Fritz William Michel comme premier ministre avec son cabinet ministériel, il voit cet objectif s’éloigner davantage chaque jour, au point de comprendre main- tenant qu’il est en train de jouer ce qui lui reste de son quinquennat.
Pour commencer, son voyage à destination de New York, qu’il devait effectuer dimanche (22 septembre) a été ajourné jusqu’à mardi, car la ratification de son premier ministre nommé par le Sénat n’a pas pu se concrétiser, malgré le million de dollars que les sénateurs avaient touché pour voter oui. Comprenant que le vote n’allait pas se faire dans le délai anticipé, il a envoyé Martine à la date du dimanche, souhaitant que tout allât pouvoir entrer dans l’ordre pour qu’il soit en mesure, à son tour, de prendre un vol commercial à destination de New York le mardi.
Suite à une série de négociations entre le Palais national et le président du Sénat, Carl Murat Cadet, avec les sénateurs qui avaient été «arrosés» (USDD 100 000 (mille) $ chacun), en contrepartie de leur vote positif en faveur de Fritz William Michel, le président de l’Assemblée nationale (Cadet) annonça sur son compte Twitter que la séance de ratification du premier ministre nommé allait se faire lundi matin aux environs de 8 heures et demie.
En vertu de son plan, le sénateur Carl Murat Cantave, qui avait, lui aussi, touché USD 100 1 000 $, avec d’autres sénateurs, dont quatre autres avaient obtenu ce même montant, avait constitué une équipe de 18 sénateurs. On ignorait le montant de leurs pots-de-vin, mais le sénateur Cantave pensant qu’il avait le tout «dans le sac».
De leur côté, décidés à tout faire pour empêcher la tenue de cette séance, les sénateurs de la minorité, soit au total une douzaine, sont descendus très tôt, dans la matinée du lundi. On ne sait par quel procédé a été menée cette opération, mais on a découvert que la salle de séance du Grand Corps était badigeonnée de matière fécale. Entre-temps, une foule de manifestants avait encerclé l’immeuble du Parlement, une stratégie ayant pour objectif d’empêcher que la séance se déroule.
De part et d’autre, les esprits étaient surchauffés. Sur la pelouse de la cour intérieure du Sénat, des centaines de manifestants montaient la garde. Dans le brouhaha qui s’était produit, un des sénateurs, Ralph Féthière, qui avait en sa possession un sac à dos, tira son révolter et tira.
Un journaliste-photographe d’une agence de presse étrangère, touché à la mâchoire. De même qu’un agent de sécurité parlementaire. Les blessés ont été transportés à l’hôpital pour recevoir les soins que nécessitait leur cas. Par la suite, on a appris que le photojournaliste est hors de danger. Même pronostic pour l’agent de sécurité. Un autre photojournaliste a pu photographier Féthière au moment où il pressait sur la gâchette. Rien n’indique qu’il a fait feu en cas de «légitime défense», comme il a voulu le faire croire.
Outragé par un tel incident, un représentant de l’ONU en Haïti a dénoncé cet acte perpétré par le sénateur Féthière. Dans la mesure où il y a eu flagrance, il a demandé au commissaire du gouvernement près le tribunal de première instance de Port-au-Prince de procéder à l’arrestation du sénateur dévoyé.
On devait apprendre, au cours de la journée, à la capitale haïtienne, que le sénateur Féthière avait pris la poudre d’escampette. Une personne non identifiée a dit l’avoir vu à Dajabon, de l’autre côté de la frontière.
Lâché par la communauté internationale
Si Jovenel Moïse s’imaginait qu’il avait l’appui de la communauté internationale, il semble qu’un revirement se soit produit. Car depuis la participation des membres du CORE Group à la conférence de l’opposition, à Mirebalais, le dimanche 8 septembre, les observateurs avaient vu en ce geste un désaveu de Moïse par les missions diplomatiques qui commençaient à voir l’opposition d’un œil différent.
D’aucuns disent que les scandales à rebondissements qui assiègent le chef d’État haïtien en sus des dénonciations concernant des accusations de fait criminelles portées contre lui sont mal digérés par les pays amis. Ajoutés au méga scandale du Fonds PetroCaribe, de tels scandales suscitent de vives critiques de M. Moïse au sein du monde diplomatique.
Pour se faire une idée de l’attitude de la communauté internationale à l’égard de Jovenel Moïse, il suffit de penser au traitement dont a été l’objet Martine lors de son débarquement à l’aéroport JFK arrivée pour assister à l’Assemblée générale de l’ONU soi-disant à l’avance du président.
La première dame d’Haïti a été triée sur le volet par la Douane américaine dont les agents ont fouillé ses valises. Mambo de son état, elle voyageait avec des accessoires utilisés dans les prestations du vaudou. Des sources proches de cette institution ont fait savoir qu’elle transportait de l’eau bénite, de l’eau parfumée à l’essence d’«ilan-ilan», «Ti-Florida», ainsi que des bougies de toutes les couleurs, noire, rouge, blanche, etc.
Le Forum économique menacé de rupture à cause de Moïse’
La conjoncture politique nettement hostile au maintien de Jovenel Moïse au Palais national influence la décision des grands bourgeois d’Haïti par rapport au sort du président. Pour la première fois depuis qu’a éclaté la crise, voilà déjà plus d’un an, une grande majorité des membres du Forum économique est favorable à la fin du mandat de Nèg Bannann nan. En effet, une source autorisée a indiqué que sur 15 membres du Forum présents, 12 se sont prononcés pour qu’il quitte le pouvoir. L’opinion partagée des acteurs a suscité la division au sein du Forum dont un des membres, en particulier, a exigé que Bernard Craan, le président, démissionne. Il semble que ce dernier soit à l’origine d’une déclaration se prononçant pour le départ de Jovenel Moïse. Bien que l’identité des hommes d’affaires qui cautionnent le maintien au pouvoir de l’actuel président ne soit pas révélée, on peut deviner que les chefs d’entreprises ayant bénéficié de juteux contrats de Jovenel Moïse ne souhaitent pas qu’il tire sa révérence.
Jovenel Moïse menace de faire des révélations
Jovenel Moïse est arrivé à une phase de sa vie où il ne cache pas son hostilité à l’égard des diplomates accrédités en Haïti. Selon des sources diplomatiques qui souhaitent garder l’anonymat, parlant presque d’une seule voix, le message qu’ils lui ont transmis de leurs gouvernements respectifs est que les choses doivent changer en Haïti et qu’il n’a pas démontré sa capacité de «diriger». De tels propos signifient que le président Moïse est parvenu au bout de son rouleau.
Nèg Bannann n’a pas accueilli ces paroles avec sérénité. Au contraire il affiche une agressivité implacable, voire même déraisonné. Car il menace de faire des révélations au sujet de ceux qui osent le «critiquer».
En effet, fulminant après avoir entendu des propos qu’il juge «hostiles» à son égard, il a déclaré que «J’ai payé tout le monde» – ajoutant qu’il sera sans pitié pour les ingrats.
Prêt à mettre son mandat sur la table de négociations
Alternant une attitude calme et une humeur agressive, il se montre parfois serein ou explosif. S’il est prêt à envoyer tout le monde au diable, autre temps il se dit prêt à mettre son mandat sur la table. Il évoque l’idée de négocier un accord similaire à celui que Joaquin Balaguer, en République dominicaine, avait paraphé avec l’opposition. En ce sens, il serait disposé à sacrifier une année de ce qui lui reste de son mandat pour avoir la paix avec ceux qui lui sont opposés.
Mis au courant de cette proposition, la majorité des opposants la repoussent d’un revers de main, soulignant que l’année dernière, peut-être, le reste du mandat de Moïse valait quelque chose. Mais présentement il ne vaut même pas un dollar.
Pour l’instant, nul ne peut contester le fait que les jours de Jovenel Moïse au pouvoir sont comptés. L’appui dont il jouissait, à l’échelle nationale comme à l’étranger, s’est sérieusement érodé. Maintenant qu’il veut négocier, il n’a plus personne en face. L’opposition n’attend rien d’autre que sa démission, «sans condition».
Mais la réalité s’étale dans toute sa laideur : Martine se trouve à New York, lui en Haïti. Qui va faire le déplacement ? Une fois loin de l’enfer qu’est devenu le pays pour la famille présidentielle, la première dame aurait-elle l’intention de revenir dans les bras de son mari qui ne sait plus comment sécuriser l’espace politique où il évolue. Si, en revanche, il décide de rejoindre sa chère moitié, présentement aux États-Unis, il n’a aucune certitude qu’il sera autorisé à fouler le sol américain.
Il ne doit pas oublier qu’il y a un traitement réservé au chef d’État et un autre totalement différent voué au simple citoyen. Comment peut-il savoir s’il n’existe pas un acte d’accusation scellé contre lui, quelque part, aux États-Unis. Après avoir été l’objet d’une inculpation pour blanchiment d’argent et d’autres méfaits liés à la corruption et à la dilapidation de fonds publics, il y a de fortes possibilités qu’un mandat contre lui soit en souffrance attendant le moment opportun pour qu’il lui soit signifié.
Une source judiciaire a laissé entendre que Jovenel Moïse n’est pas le bienvenu sur le territoire américain. Si d’aventure il y débarque, il est possible qu’il soit pris de corps en vue de faire face à la justice.
cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, édition du 25 septembre 2019 Vol. XXXXIX no.38, et se trouve en P.1, 4, à : http://haiti-observateur.info/wp-content/uploads/2019/09/H-O-25-sept-2019.pdf