le Patrick Martineau du Zenglen sort de l’ombre (Première partie) par Eddy Cavé

le Patrick Martineau du Zenglen sort de l’ombre (Première partie) par Eddy Cavé

le vendredi 5 juillet en cours, le pharmacien Patrick Martineau, fondateur du premier groupe musical Zenglen, était l’invité d’Evens Jean au plateau de tournage de l’émission Top Groove. Dans la première des deux parties de cet article, l’auteur retrace, dans le sillage du maestro, la courte histoire de ce groupe, qui va de 1987 à 1992. 

Au début de l’été 1992, les musiciens du Zenglen de Patrick Martineau, comme on appelait alors le groupe, s’envolaient mystérieusement sur les ailes d’Air Canada à destination de Montréal. Le fait aurait pu passer inaperçu si le Zenglen n’avait pas été déclaré le groupe de l’année 1991, après la publication de l’album An nou alèz, qui contenait le tube Fidel. Au moment de ce dé part, Patrick et son associé Carl-Henri Desmornes étaient assaillis de toutes parts par des promoteurs venus des États-Unis leur offrir une tournée de couronnement en Amérique du Nord. En même temps, le groupe avait un calendrier bien rempli d’animations de fêtes de remise de diplôme et autres pour les vacances de l’été 1992.

Et la nouvelle était tombée à la manière d’un coup de tonnerre : « Nèg Zenglen yo jete yo san Patrik pa menm konnen ! ». Cédant à l’attrait des promesses d’un promoteur qui leur proposait une fructueuse tournée nord-américaine sans Patrick Martineau, les musiciens étaient partis en bloc pour le Canada, à l’exception de la chanteuse Sandra Desmornes.

On devine aisément le choc encaissé par le maestro le jour où il apprend, en allant chercher chacun des musiciens au domicile des parents pour la répétition habituelle du mardi, qu’ils étaient sortis la veille au soir et n’étaient pas revenus. En fait, ils avaient pris l’avion pour le Canada avec le visa d’entrée obtenu pour une tournée nord-américaine. Pas difficile non plus d’imaginer les rumeurs et les explications qui ont alors circulé sur la disparition soudaine du groupe le plus populaire de la Cité.

Rappelons qu’à cette époque, le Zenglen de Patrick Martineau était avec Sweet Micky, Papash l’un des trois principaux groupes de la nouvelle génération. Le groupe exerçait une telle attraction qu’au réveillon dansant du 31 décembre1991, organisé au Ritz Kinam, il attira 1 200 personnes et reçut, conformément à la clause de 10 dollars par tête, un cachet de 12 000 dollars.

Que s’est-il donc passé, d’un côté comme de l’autre, après le départ des musiciens ? Tandis que Patrick s’ajustait à une nouvelle vie, les dissidents passaient, eux aussi, par une période très difficile. Sans permis de travail au Canada, sans les instruments promis par le promoteur, sans visa d’entrée aux États-Unis, ils ont dû vivre, un certain temps, dans l’illégalité, avant de prendre un nouveau départ.

Patrick a résisté à la tentation de réanimer le groupe ou d’en créer un autre, même s’il avait gardé toute la base électronique et le matériel sonore indispensable à un groupe commercial moderne. La pilule a été difficile à avaler, mais, une fois la décision prise, il s’est débarrassé de l’équipement du groupe et n’a même pas gardé pour lui un clavier ou une guitare. Il est alors retourné à sa pharmacie et s’est converti graduellement à la photographie et à la peinture.

De leur côté, les musiciens se sont arrangés pour entrer aux États-Unis où ils ont fait leur chemin. Quelque temps après, Jean Derissaint Brutus s’emparait du nom de Zenglen pour mettre sur pied, en dehors de tout lien avec Patrick, la pépinière d’où sont sortis les Gracia Delva, Ritchie, Réginald Cangé, Nichenson Prudhomme, ainsi que les groupes actuels à succès tels que Mass Konpa, Klass, Harmonik.

À l’entrevue, Patrick a tenu à rappeler que le chanteur Gary Didier Perez, qui lui avait en quelque sorte tordu les bras pour qu’il crée le Zenglen, avait déjà quitté le groupe au moment du départ des autres. C’est donc à tort qu’on a souvent affirmé qu’il était parti avec eux. Il avait d’ailleurs déjà créé son propre groupe, dénommé « Ozone ».

Fait curieux, le Zenglen actuel annonçait, en juin 2019, à Montréal, une soirée grandiose célébrant son 30e anniversaire, ce qui signifie qu’il aurait été créé, non pas après 2002, mais en 1989. Ce point n’a pas curieusement été mentionné par Patrick Martineau à cette émission de Top Groove.

La courte histoire du Zenglen de Patrick Martineau

C’est, en fait, une succession d’heureux hasards qui, en 1987-1988, a emmené Patrick à s’associer dans un premier temps avec Ti-Syto Cavé pour animer des mariages, des premières communions et des soirées au Batofou. Ils ont alors créé un premier groupe appelé TONO qui n’a pas duré longtemps. La rencontre avec Gary Didier Perez, la même époque, sera décisive dans le processus de création du groupe, qui allait devenir, en 1989, le Zenglen de Patrick Martineau, et s’installer au Palmarès avec Fidel, l’album de l’année en 2000.

En anecdotes et en confessions

D’entrée de jeu, l’animateur Evens Jean précise que l’entrevue sera placée sous la consigne Sanfiltè, de l’anglais « without filter », qui signifie sans filtre; sans que l’invité puisse soumettre ses réponses au filtre du cerveau ou de la réflexion. Trente ans après la disparition du groupe, Patrick est ainsi sorti de sa réserve pour reconstituer l’événement et retracer un parcours totalement inconnu des moins de 40 ans.

Forcé de parler « san filtè », le maestro a fait plusieurs confidences et raconté diverses anecdotes illustrant la personnalité de ses musiciens, notamment celle de Gary Perez, qu’il appelle, sans méchanceté et en souriant « yon tèt chaje ».

Patrick raconte que Gary était excellent, avait un timbre de voix en harmonie constante avec la sonorité de l’orchestre et avait beaucoup de fans. Mais il avait souvent des sautes d’humeur au cours desquelles il lançait violemment son micro au sol. En outre, la cigarette altérait gravement sa voix, tandis qu’il détonnait quand il buvait du fort. Après plusieurs avertissements et une suspension de deux semaines, il quittera le groupe sur un coup de tête.

Contre toute attente, le bassiste, Ti-Fanfan, le suivra en disant : «Mesye se Gary ki te menmen m isit la. Li ale, m ale tou ».

Le groupe survécut à cette lourde perte en engageant deux autres chanteurs, David Charles et Sandra Desmornes, qui étaient secondés par Patrick et Brutus. Peu de temps après, c’était l’orage qui emporta le groupe.

Ce beau geste de solidarité perturba grandement le groupe, qui n’avait même pas encore atteint l’adolescence. En administrateur prévoyant, Patrick avait quand même pris certaines mesures de précaution. Brutus et lui s’étaient mis au chant et ils avaient engagé deux autres chanteurs, David Charles et la jeune Sandra Desmornes. Ces palliatifs ne firent toutefois que retarder le moment de l’éclatement.

FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE

eddycave@hotmail.com Ottawa, le 22 juillet 2019


cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, édition du 31 juillet 2019, Vol. XXXXIX no. 30, et se trouve en P.9 à : http://haiti-observateur.info/wp-content/uploads/2019/07/H-O-31-juillet-2019.pdf