Les Américains ne sont pas les bienvenus en Europe : L’OTAN, une illusion désormais conjuguée à l’imparfait ? par Berg Hyacinthe
«Le constat est irréfutable : le parapluie américain est définitivement fermé, le bouclier disparu et la réassurance transatlantique une mortifère illusion. S’ils doivent un jour défendre libertés et valeurs les armes à la main, les Européens ne pourront compter que sur eux-mêmes». Tel est le refrain de l’analyse issue de l’ouvrage «Cyber Warriors at War (p.153) », publié par un expert du domaine de la Défense et Sécurité, depuis 2009.
Il n’y avait ni Trump ni Covid-19 comme facteurs d’analyse en 2008. Le problème est plus profond et les conséquences plus néfastes. Si la Chine et Cuba apparaissent sur la liste des États-amis, bons gestionnaires de la pandémie, ce n’est pas le fruit du hasard.
Quand l’Union européenne (UE) dépend de ses partenaires intercontinentaux pour lutter contre des menaces internes ou prendre certaines décisions stratégiques sensibles, lesquelles ne sauraient être toujours dans l’intérêt immédiat de ces partenaires externes (hors-UE), la souveraineté de l’UE est clairement menacée. Face à cette menace existentielle, il est proposé une nouvelle approche aux projets de la Constitution de l’UE et de l’Armée de l’UE.
Parler d’une Constitution de l’UE ne renvoie pas automatiquement et directement à l’ancien projet visant l’établissement de la Constitution de l’Europe. Le timing est diffèrent, le contexte aussi. Les enjeux sont énormes : Bruxelles fait état officiellement d’une «menace existentielle». Certes, les arguments avancés infra ont été construits dans ce contexte précis, à partir d’une nouvelle approche.
La nécessité d’établir une stratégie visant la protection durable des intérêts des États membres de l’UE se manifeste à travers ces deux documents fondamentaux : une proposition de Constitution de l’Union européenne ; un livre blanc sur l’introduction de l’Armée de l’Union européenne. L’adoption de ces deux mesures enverrait un signal fort, tant aux concurrents qu’aux détracteurs de l’UE. Il revient désormais aux Forces armées de l’UE, non à l’OTAN, de projeter la prouesse militaire de l’espace Schengen, par des moyens offensifs, défensifs et dissuasifs.
Certes, les capacités offensives de cette Armée ne seront pas négligeables avec la mutualisation des ressources de ses 27 États membres. Selon les chiffres officiels de l’UE, la situation anarchique de l’actuel «régime militaire» de l’UE coûte entre 25 et 100 milliards d’euros par an aux contribuables européens, notamment aux Français (http://edition.cnn.com/2016/09/ 14/europe/juncker-state-of-theunion/index.html).
Dans l’immédiat, une simple résolution de l’UE créant deux commissions pour travailler sur lesdits documents, constituerait une victoire nette en matière de stratégie de dissuasion pour l’UE. Sur le long terme, ces projets apparemment «irréalisables», aux yeux des plus incrédules, pourraient devenir les seuls atouts de l’UE dans le futur. À cet égard, il revient aux parlementaires européens de manifester concrètement un intérêt immédiat (stratégie «dissuasive») et de travailler sereinement, compte tenu des nouvelles donnes, pour offrir des options claires aux générations futures (stratégie ancrée dans la prescience «longueur d’avance »). Il serait prudent, dans les conditions actuel les, de se prémunir de ces actes constitutifs, lesquels offriraient à la génération future un avantage concurrentiel inestimable.
Dans l’intérêt suprême de l’UE, ces documents offriraient à la génération future un avantage concurrentiel inestimable. Évidemment, le stratège qui détient une véritable longueur d’avance sur la concurrence est capable de tout modifier, et ceci, dans son intérêt, surtout avec des enjeux géostratégiques et socio-économiques ultra dynamiques, suivant une tendance sinusoïdale.
Cependant, s’il conviendrait d’éviter l’implémentation de telles mesures, les autorités de l’UE auraient de la matière, à savoir, le produit des réflexions qui auraient été engagées en ce sens. Au pire des cas, ces documents pourraient servir de base aux dirigeants européens qui pourraient opiner, d’un coté ou de l’autre, sur cette problématique majeure, une fois documentée.
Certes, l’idée n’est pas nouvelle. En revanche, plusieurs événements importants justifient la nécessité de reconsidérer la juste valeur de ces deux actes constitutifs si nécessaires à la survie du «projet» européen :
- Les révélations de Snowden relatives aux relations de l’UE avec ses partenaires (hors-UE) de l’OTAN ;
- L’annexion de la Crimée ;
Le Brexit ;
- Les manifestations prononcées du syndrome téléguidé «diviser pour régner» au sein de l’UE ;
- La mutation certaine de la cyber stratégie terroriste, pour éviter une liste exhaustive.
- Les relations privilégiées bilatérales établies entre certains États membres de l’UE et plusieurs puissances militaires étrangères (hors-UE) se résument en suicide politique collectif de l’UE. Cette politique est susceptible de conduire à l’effondrement catastrophique de l’UE au profit de ces puissances étrangères à un moment où :
- L’UE serait en désaccord profond avec la Russie;
- L’UE serait en rupture avec l’Angleterre (concurrent potentiel de l’UE et partenaire privilégié des États-Unis d’Amérique sur les grands dossiers);
- L’UE serait en situation inconfortable vis-à-vis de ses États membres de l’Europe de l’Est1
- L’UE ne peut plus être considérée comme un «club». Car elle a des intérêts économiques, militaires et géostratégiques, qui sont incompatibles avec ceux de certains partenaires (hors-UE) de l’OTAN. C’est un «virus caché» dans les relations internationales de l’UE avec ses partenaires hors-UE.
Les partenaires hors-UE de l’OTAN ne sont pas concernés directement par les menaces politiques et socio-économiques «internes» aux membres de l’UE. Les origines de la dégénération des relations UE-Russie devraient faire l’objet d’une étude approfondie par une commission indépendante, afin d’identifier l’irritant réel, mettant de côté les propagandes américaines et russes. L’UE n’a aucun intérêt à maintenir une relation antagonique constante avec la Russie, et vice-versa. D’où l’intérêt de constituer ladite commission indépendante.
En somme, la menace d’une éventuelle occupation virtuelle de l’UE est réelle. Toutefois, avec l’adoption d’une stratégie moderne de persuasion/dissuasion, l’UE a tous les moyens techniques, ainsi que les compétences intellectuelles requises pour forcer un revirement de la situation actuelle. Une combinaison de science et de prescience appliquée à cette stratégie pourrait constituer l’épine dorsale des futures négociations.
Les autorités européennes conscientes de la nécessité de gagner le pari du ‟projet¨ de l’UE pourraient adopter cette stratégie dite de «dissuasion symétrique et réciproque», appliquant ainsi la théorie d’équilibre de Nash dans les relations (UE-Russie, UEUK, UE-Asie et EU-USA). Selon cette théorie, les puissances militaires alliées et/ou voisines seraient amenées à respecter de nouvelles règles suivant lesquelles aucun joueur/acteur n’aurait intérêt à changer de stratégie, au détriment d’un autre.
Nota Bene : Dans la prochaine édition, H-O tentera de répondre à la question suivante : L’Union européenne étant en position de force, aujourd’hui, quelles sont les nouvelles menaces contre lesquelles devrait-elle se préparer ? * Berg Hyacinthe, Ph.D
cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, édition du 29 juillet 2020, VOL. L, No.29 – New York, et se trouve en P. 5, 12, 13 à : http://haiti-observateur.info/wp-content/uploads/2020/07/h-o-29-juillet-2020.pdf