L’ONU tape fort sur Jovenel Moïse et consorts par Léo Joseph
- AFFAIRE PETROCARIBE ET ASSASSINATS DE LA SALINE ET D’AILLEURS
- Il faut juger, punir les voleurs et les assassins quels qu’ils soient…..
La communauté internationale, dont la position par rapport aux dérives du pouvoir en place, en Haïti, semblait afficher la tolérance, voire même la collaboration, dénonce avec véhémence les crimes et la corruption qui caractérisent le régime Tèt Kale de Jovenel Moïse. C’est le message qui se dégage du dernier rapport du secrétaire général des N a t i o n s Unies au Conseil de sécurité; aussi bien celui du Groupe consultatif ad hoc du Conseil économique et social (sigle anglais ECOSOC) de l’Organisme international. Les premières flèches dé cochées en direction des dirigeants haïtiens par les autorités onusiennes indiquent clairement que la communauté en a marre de celles-là et qu’elle ne peut plus continuer à garder le silence.
Dans son rapport, daté du 9 juillet, mais rendu public le 17 du même mois, Antonio Gutteres, se lamente de la nonchalance avec laquelle le régime Tèt Kale gère le dossier PetroCaribe, après que le Conseil supérieur des comptes et du contentieux administratif (CSC/CA) eut publié son second rapport dans lequel le président du pays, Jovenel Moïse, dont le nom est mentionné plus de 60 fois dans le document, est accusé d’être partie prenante de la conspiration ayant orchestré la dilapidation de USD 4,2 milliards $. Une somme, si elle était gérée avec honnêteté et dans la transparence, comme on devait s’y attendre, aurait servi à amorcer le développement d’Haïti et contribué à l’amélioration de la condition de misère dans laquelle croupissent les couches défavorisées du pays.
Contrairement à ce que pensaient nombre d’observateurs, que répétaient des acteurs politiques haïtiens ou encore que critiquaient d’autres, l’Organisation des Nations Unies, en tant qu’organe de la communauté internationale, n’était pas dupe en ce qui a trait au dossier PetroCaribe. Dans le dernier document soumis au Conseil de sécurité, le secrétaire général de l’ONU expose sans réserve les dérives du gouvernement dirigé par Jovenel Moïse. Plus important encore, il appuie totalement les juges de la CSA/CA et les dénonciations qu’ils ont faites à l’encontre du chef d’État haïtien et d’autres anciens hauts fonctionnaires de l’État que ce dernier s’acharne à protéger contre d’éventuelles poursuites judiciaires.
- Gutteres résume de manière objective le second rapport de l’organisme de contrôle des recettes et des dépenses de l’État dans le seul paragraphe suivant :
« Le rapport d’audit de 612 pages, qui fait suite à un rapport préliminaire publié le 31 janvier, comprend une analyse de la gestion de fonds destinés à des projets, d’un montant total de 6,75 millions de dollars, approuvés par 14 résolutions gouvernementales adoptées entre 2008 et 2016 et gérés par 11 organes étatiques différents, dont le Sénat, la Chambre des députés et cinq ministères. Des médias nationaux et internationaux, ainsi que d’autres acteurs, tels que les groupes de ‟ petrochallengers ¨, ont largement relayé les allégations de la Cour selon lesquelles des sociétés liées au Président, avant sa prise de fonctions en 2017, seraient impliquées dans un système de double facturation avec le Ministère des Travaux publics, Transports et Communications. Ils ont également signalé que la Chambre des députés avait utilisé plus de 200 millions de gourdes (qui équivalaient alors à 4,4 millions de dollars) pour couvrir ses frais de fonctionnement (salaires), au lieu de les consacrer à des dépenses d’investissement ».
Dans le même rapport, le secrétaire général de l’ONU souligne de manière forte la manière dont les autorités haïtiennes entretiennent l’impunité par rapport au méga vol perpétré aux dépens du fonds PetroCaribe. Voici les arguments qu’il avance dans ce contexte.
« La population a continué d’exiger que les responsables de la mauvaise gestion présumée du fonds PetroCaribe soient amenés à répondre de leurs actes. D’après le rapport de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif, la valeur totale de l’accord relatif à PetroCaribe sur la période 2008-2018 s’élèverait à 4,2 milliards de dollars, sur lesquels Haïti aurait remboursé 1,98 milliard de dollars à la République bolivarienne du Venezuela et utilisé 2,26 milliards, dont 1,6 milliard aux fins de l’exécution de projets. Le 13 mars, le procureur de Port-au-Prince a annoncé avoir demandé à un juge d’instruction d’ouvrir une enquête sur les allégations de mauvaise gestion du fonds PetroCaribe. Le 21 mars, le juge d’instruction a ordonné le gel des avoirs de plusieurs personnes et sociétés visées par l’enquête. Parallèlement, la Cour a élargi son enquête aux projets menés par le Parlement et financés par le fonds PetroCaribe. En réponse, plusieurs parlementaires ont menacé d’engager des poursuites judiciaires contre des membres de la Cour, qui a remis son rapport final au Sénat le 31 mai ».
Le rapport ECOSOC dénonce les crimes d’État
De son côté, le Groupe consultatif ad hoc du Conseil économique et social (ECOSOC) de Nations Unies a présenté un accord au même Conseil de sécurité de cette institution dans lequel il dénonce avec véhémence ce que les organismes de défense des droits humains qualifient de « crimes d’état ». Il s’agit, en tout premier lieu, du massacre perpétré le mois de novembre 2018 par des gangs armés proches du pouvoir et bénéficiant de logistiques du régime Tèt Kale pour réaliser leur forfait.
Après avoir exposé la crise en cours dans toutes ses dimensions, y compris les éléments qui la caractérisent, le Groupe consultatif ad hoc d’ECOSOC fait des recommandations au Conseil de sécurité. Parmi elles, se signalent l’insécurité et la violence des gangs, qui sont pour les représentants onusiens, « un sujet de préoccupation en matière de droits de l’homme ». Dans ses recommandations relatives aux droits de l’homme, le rapport fait état de « La violence des gangs se terminant souvent par des meurtres, des agressions sexuelles, etc., la violence et la destruction de biens, comme dans le cas du quartier de La Saline, à Port-au-Prince où, en novembre 2018, des gangs rivaux se sont battus pour le contrôle des marchés locaux, ce qui a conduit à des violations généralisées des droits de l’homme et à des abus ».
Le Groupe a été également informé que « les enquêtes sur les crimes commis à La Saline portaient sur les éléments suivants, .par les organisations de la société civile attribuant la responsabilité de ces crimes à des bandes criminelles avec la complicité présumée de certains acteurs étatiques. Le Groupe accueille avec satisfaction l’ouverture d’enquêtes par le gouvernement haïtien et la MINUJUSTH, soulignant l’importance d’établir les faits et d’adopter le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes ». Il recommande, par ailleurs, la mise en œuvre de « mesures nécessaires pour que justice soit faite par la poursuite effective de tous les auteurs d’infractions, les personnes reconnues coupables des crimes ».
Le massacre de La Saline dénoncé aussi par l’ambassade de France
Parallèlement aux Nations Unies, l’ambassade de France, à Port-au-Prince, a émis un communiqué de presse dans lequel il dénonce également sans complaisance, les assassinats qui ont été perpétrés en novembre 2018, à La Saline, bidonville situé au centre-ville de la capitale haïtienne.
Au nom du gouvernement français, le communiqué déplore le fait que des douzaines de civils innocents et sans armes aient été tués par des gangs rivaux, à la solde des autorités, appuyés, durant cette opération criminelle, par des personnes proches du Palais national.
Dans la même veine, la Mission diplomatique de France s’est lamentée aussi que les autorités haïtiennes aient ignoré souverainement ce massacre, n’ayant même pas jugé nécessaire d’adresser des mots de sympathie aux familles de victimes.
Si bien des assassinats perpétrés ailleurs n’aient été explicitement mentionnés, la manière dont sont formulées les dénonciations indiquent clairement que la communauté internationale réprouve avec force les crimes commis par les sbires du pouvoir.
cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, édition du 24 juillet 2019, vol.XXXXIX no.29 et se trouve en P. 1, 2, 14 à : http://haiti-observateur.info/wp-content/uploads/2019/07/H-O-24-juillet-2019.pdf