L’opposition démocratique contre des élections faites sur mesure par Éditeur
Les prises de position véhiculées, ces derniers jours, tant du côté du pou voir que dans le monde de l’opposition légitime, démontrent clairement que l’écrasante majorité du peuple haïtien penche du côté de ceux qui boudent systématiquement le projet d’élections faites sur mesure de Jovenel Moï se. Bien que la tendance générale réprouve, chaque jour davantage, les démarches illicites de l’occupant du Palais national voulant garder le pouvoir durant, au moins, les cinquante prochaines années, au nom du PHTK, il persiste dans ses chimères, encouragé par des opportunistes se faisant passer pour des opposants. Il faut à tout prix faire échec à Nèg Bannann nan et à ses soi-disant interlocuteurs en mal de pouvoir et d’argent mal acquis.
Après avoir mis sur pied son Conseil électoral bancal pour constater que les cris venus de toutes parts rejettent sans appel les femmes et hommes qu’il a triés sur le volet pour exécuter ses plans machiavéliques, il a vite modifié sa stratégie. Aussi se lance-t-il dans une campagne de désinformation visant à jeter la confusion dans les esprits. Avec la panoplie de moyens à sa disposition, dont les plus opportuns, sinon permanents, sont le partage du pouvoir qu’il fait miroiter aux affairistes et la corruption, sous forme de fortes sommes d’argent offerts aux uns et aux autres, Jovenel Moï se réussit à recruter des interlocuteurs. Mais il tarde encore, ou bien refuse de comprendre que le vent a tourné. Ce qu’il prenait pour la belle aventure de son régime achoppe sur une série de circonstances qui diminuent ses chances de réussite. D’une mauvaise nouvelle à l’autre, l’atmosphère politique s’assombrit au point de déclencher des orages destructeurs sur ce qui reste de son quinquennat, en sus d’entraîner la débâcle du monde du PHTK.
En effet, l’opposition haïtienne regroupant le secteur démocratique et populaire, et les principales formations politiques qui participent généralement aux élections se sont mis ensemble pour dénoncer le scrutin que Jovenel Moïse souhaite tenir. Ain si que son plan de confier à son organisme électoral croupion la responsabilité illégale de changer la Constitution du pays. Dans cet ordre d’idées, des partis politiques comme Fusion, Organisation du peuple en lutte (OPL), Atibonit An Aksyon (AAA), MOCHRENA, INITE, Vérité, INIFOS, Veye Yo ont émis un communiqué dans lequel ils dénoncent les dérives du régime Moïse-Jouthe. Par la même occasion ils rejettent catégoriquement l’information tendancieuse diffusée par le chef de l’État faisant croire qu’il serait en «pourparlers» avec des partis d’opposition. Ces organisations politiques ont également réitéré leur position selon laquelle ils ne participeront jamais à des élections organisées par Moïse et son équipe. D’autre part, le chef du Parti Pitit Dessalines, l’ex-sénateur Moïse Jean-Charles, qui prend ses distances par rap port aux autres partis rivaux, s’est aussi déclaré opposé au projet d’élections sous l’égide du locataire du Palais national. Même son de cloche, du côté de Fanmi Lavalas. Si son patron, le prêtre défroqué et ex-président Jean-Bertrand Aristide ne s’est pas prononcé personnellement à ce sujet, deux porte-paroles de son organisation ont fait des déclarations séparées exprimant la position officielle de Fanmi Lavalas contre sa participation à un tel scrutin. M. Aristide n’a pas répudié les déclarations de ces deux représentants de son parti, qui avaient pourtant pris la parole en son nom.
De toute évidence, Jovenel Moïse n’a pas su trouver pour son projet d’élections faites sur mesure d’alliés et d’associés sûrs pouvant garantir son succès. Il semble que son CEP bidon, les PHTKistes et les partisans restés fidèles à l’idéal Tèt Kale manquent des atouts nécessaires au succès de ce projet utopique.
En clair, Nèg Bannann nan ne peut compter sur les forces politiques internes pour mener à bien son projet électoral et référendaire. Par ailleurs, toutes choses étant égales, les appuis dont il bénéficiait et sur lesquels il comptait, en vue de la réussite de son pro jet, ont disparu tout bonnement. Il semble que la France ait donné le signal de la démobilisation de la coalition internationale qui donnait à Jovenel Moïse une fausse impression d’invincibilité. Surtout quand les mauvaises nouvelles arrivent en série.
Certes, la communauté internationale semble avoir marre des scandales à rebondissements se donnant libre cours sous le régime PHTKiste dirigé par Jovenel Moïse, et dont les dérives ne cessent de se multiplier. Tout a commencé le 5 septembre, à Jacmel, quand l’ambassadeur de France en Haïti a dénoncé les nombreux actes irréguliers du régime, attirant surtout l’attention sur les élections annoncées par le pouvoir, qu’il déclare impossibles dans les présentes conditions. L’ambassadeur José Gomez a critiqué sévèrement la tenue d’élections avant que l’ordre et la paix soient rétablis. «On ne peut pas garantir de bonnes élections quand le territoire est contrôlé par des gangs », disait-il.
Les critiques du chef de la diplomatie française, en Haïti, étaient suivies de l’intervention de la représentante permanente de France auprès du Conseil de sécurité de l’ONU. Le 5 octobre de cette année, Nathalie Broad hurst a exposé la condition globale de la crise haïtienne, devant cette institution, faisant remarquer des opportunités ratées de renverser la situation. C’est pourquoi elle a souligné avec force : « Pourtant, la résolution de cette crise, nous le savons tous, ne pourra advenir qu’à l’issue d’un dialogue national inclusif entre toutes les forces politiques du pays, notamment avec l’opposition, la société civile et le secteur privé. Ce dialogue est indispensable pour garantir l’organisation crédible et transparente des prochaines échéances électorales et de la révision de la Constitution, si tel est le souhait des Haïtiens. La France exhorte le président Jovenel Moïse à être à la hauteur des circonstances pour mettre fin à cette situation de blocage ».
Dans le même contexte, une députée américaine, présidente du Comité des Affaires étrangères du Congrès des États-Unis, s’en est prise au projet d’élections faites sur mesure de M. Moïse. C’est pourquoi elle a exhorté l’ambassadeur américain à Port-au-Prince à user de ses « compétences » pour éviter que le président haïtien ne mette ses plans à exécution.
Dans la foulée, un groupe d’une trentaine de députés et de sénateurs américains a, de son côté, sérieusement pris à partie le régime en place en Haïti, dénonçant, aussi avec véhémence, les élections programmées par Jovenel Moïse et son équipe, par l’entremise de son Conseil électoral bidon.
Il semble que l’ambition d’organiser des élections faites sur mesure fournisse, à la communauté internationale, l’occasion de regarder de près la politique globale de l’équipe au pouvoir. De ce fait, toutes les dérives de Jovenel Moïse, y compris ses actes de corruption, son mal gouvernance, les violations systématiques de la Constitution et crimes d’État perpétrés dans les bidonvilles sont exposés au grand jour. Le moment est venu où la voix de l’opposition démocratique, qui s’élève depuis des années, contre la clique PHTKiste, se fait finalement entendre.
À ce tournant de sa campagne pour obtenir la démission immédiate et sans condition de Jovenel Moïse, les patriotes qui accompagnent le peuple haïtien, dans le cadre de ses revendications, n’ont aucune raison d’avoir des négociations avec celui-ci. Abats élections faites sur mesure !
cet article est publié par l’hebdomadaire Haiti-Observateur NYC, le 28 octobre 2020 VOL. L, No, 42 et se trouve en P.10 à : http://haiti-observateur.info/wp-content/uploads/2020/10/H-O-28-octobre-2020.pdf