ÉDITORIAL
- Suite à la débâcle de la PNH, démissions en bloc à l’ordre du jour par Editor
La situation que vit le pays, suite à la débâcle de la Police nationale d’Haïti (PNH), survenue à Cité de Dieu, le vendredi 12 mars, fait évoquer cette boutade créole : « Nèg pa fè bak devan grinbak » («Les gens ne reculent pas devant l’argent »). Pour être plus objectif, il faudrait y ajouter : « Mounn pa fè bak devan bon djòb ki byen peye » (« Ils ne reculent devant aucune fonction bien rémunérée ») non plus. Mais dans le cas qui inspire ce tour d’esprit, il faudrait dire la démission en bloc est à l’ordre du jour, en Haïti, présentement.
La tragédie provoquée par les autorités haïtiennes, à Cité de Dieu, non seulement endeuille la nation, mais aussi elle la plonge aussi dans la confusion totale, surtout quand les décideurs gèrent la situation avec nonchalance. Bien que ces derniers persistent à répéter que quatre policiers ont été tués, tandis que les meurtriers ne cessent de répéter qu’ils ont cinq cadavres, en sus de huit prisonniers. Parmi les huit autres gravement blessés et transportés à l’hôpital Bernard Mevs, cinq ont obtenu autorisation de sortie. Ce qui porte à croire que Jovenel Moïse et son équipe ont menti à la nation par rapport au nombre de policiers envoyés à la boucherie.
Tenant compte de l’attitude des dirigeants du pays, face à cette humiliation retentissante infligée à notre force de Police, le régime PHTKiste dirigé par Jovenel Moïse veut faire croire que le revers magistral qu’ont essuyé les policiers envoyés pour mater les bandits armés de ce quartier, est imputable uniquement à la PNH. Alors que, objectivement, cela exige, ni plus ni moins, que la démission de tous ceux qui se trouvent aux commandes des institutions liées à la sécurité nationale. Puisque, à moins de faire partie du pouvoir ou d’être PHTKistes, il faut reconnaître et proclamer que cette victoire décisive des gangs armés de Village de Dieu, sur des membres d’une brigade d’élites de la PNH, constitue un projet en planification depuis longue date par le chef de l’État de facto, et qui a été confié à ses alliés du monde de la pègre, les bandits armés.
Tous les chefs de gang, ou presque, n’ont jamais raté l’occasion de révéler que leurs « armées » ont été créées par les dirigeants, de Michel Martelly à Jovenel Moïse, qui les ont pourvus en armes et munitions (financées avec l’argent du peuple haïtien), en sus d’être rémunérés par l’Exécutif (encore avec les ressources de l’État). Il est donc aisé de comprendre pourquoi les administrations dirigées par Jovenel Moïse restent devoir en permanence des arriérés de salaire aux employés de l’État des différentes institutions du pays. Puisque, grâce à sa politique de « Déshabiller Saint Pierre pour vêtir Saint-Paul », par laquelle les budgets des ministères et des secrétaireries d’État sont détournés au profit de ses projets extrabudgétaires, il parvient à armer, approvisionner en munition et rémunérer les gangs armés illégaux dont il fait ses milices privées.
Si certains entretenaient encore quelques doutes, quant à l’origine du financement dont bénéficient les bandits des bidonvilles, ils n’ont qu’à prêter l’oreille aux aveux des chefs de gangs réitérant les confessions faites antérieurement par leurs associés. Pas plus tard que ce week-end, le chef de gang Izo, dont le fief se trouve à Village de Dieu, est catégorique à ce sujet. Coincé par des journalistes pour qu’il révèle l’origine des armes que lui et ses hommes détiennent, il a répondu qu’ils les ont obtenues, d’abord, de Michel Martelly et de Laurent Lamothe, puis de Jovenel Moïse. On se rappelle, en effet que, lors de son passage, à la tête de la primature, en 2013, Laurent Lamothe avait commandé 200 mitrailleuses de la marque Galil d’Israël. La cargaison avait été expédiée via un itinéraire compliqué, en passant par le Canada, afin de tromper la vigilance de la Police internationale. Interrogé, à son tour, sur l’origine de ses armes, Ti-Lapli, chef de gang de Gran Ravin, a corroboré les révélations d’Izo. Dans le même ordre d’idées, il a déclaré qu’ils travaillent pour Jovenel Moïse et que ce dernier leur droit « trois mois de salaires » présentement.
Premier chef de gang armé à avoir fait état de l’appui dont ses groupes bénéficiaient du président de facto, qui fournissait des armes et des munitions, en dehors des compensations qu’il leur versait, Arnel Joseph, qui exerçait son empire sur ce même quartier, faisait les mêmes déclarations concernant les relations de M. Moïse avec les bandits des bidonvilles. Arrêté en 2019 par la Police nationale et gardé incarcéré à la prison civile de Croix des Bouquets, le président de facto l’estimait plus contrôlable en prison qu’élargi. Sachant que ce chef de gang possédait d’importants « secrets d’État », il pensait de telles informations plus sécurisées avec Joseph en prison. Aussi lorsqu’il s’est évadé, à l’occasion de la récente mutinerie, à la prison de Croix des Bouquets, a-t-il donné l’ordre de tuer Arnel Joseph. Une autre raison de souhaiter que soit lancée une enquête sur cette évasion au cours de laquelle plus d’une vingtaine de personnes ont trouvé la mort, y compris le directeur de la prison.
D’autres faits ont apporté la preuve des bonnes relations existant entre Jovenel Moïse et les gangs armés, entretenus également par personnes in – ter posées. Le même Arnel Joseph avait révélé que les contacts avec le chef de l’État étaient assurés par l’entremise d’un sénateur, en l’occurrence Gracia Delva, dont il recevait également de l’argent. Les révélations du chef de gang ont été confirmées par le sénateur Patrice Dumont. Ce dernier devait annoncer que les conversations d’Arnel Joseph avec ce sénateur étaient interceptées électroniquement.
Point n’est besoin de produire d’autres preuves pour établir les relations privilégiées qui existent entre la présidence et les gangs armés. Après l’humiliante défaite essuyée par la Police nationale, à Village de Dieu, vendredi dernier, le chef de gang Ti-Lapli (encore lui !), a réitéré les révélations qui ont été déjà faites relatives aux rapports de la pègre avec le président de facto Jovenel Moïse.
En effet, Ti-Lapli a déclaré, sans ambages, qu’ils (les gangs armés) travaillent pour le chef d’État de facto. Aussi s’est-il exprimé en ces termes : « Quelle différence existe-t-il entre le président se servant de nous pour agresser les manifestants pacifiques, et maintenant qu’il se sert de la police pour faire feu sur nous ? ».
À considérer tous ces faits, rien ne prouve qu’une équipe intègre et compétente est aux commandes en Haïti, comme cela devrait être. Au contraire, la présente réalité montre un groupe d’hommes et de femmes sans compétence ni intégrité, alors qu’on serait en droit d’espérer de vrais dirigeants. Mais, pour des raisons que tous les citoyens de bonne volonté savent, Haïti est victime d’un coup fourré électoral qui lui a été infligé par la communauté internationale, sous prétexte de sauvegarder la démocratie. Le peuple haïtien doit-il continuer à faire l’expérience d’un tel abus avec Moïse au Palais national, plus d’un mois après l’expiration de son mandat constitutionnel ? Ce n’est guère étonnant que les pays qui s’autoproclament bastions de la démocratie s’acharnent tant à appuyer un régime dont la gestion ne diffère en rien de la manière dont fonctionne la pègre.
Certes, il est impossible de trouver les mots pour qualifier l’acte ignominieux et barbare de Village de Dieu manigancé par la présidence et ses alliés. Partageant le même mépris pour la vie humaine que les criminels des bidonvilles, ils ont collaboré parfaitement avec eux dans l’exécution de ce carnage. Non seulement les vingt policiers ont été délibérément envoyés à la boucherie, leurs familles, amis et admirateurs sont l’objet d’un mépris quasiment total de la part du Palais national et les alliés du président de facto. Les mots de consolation et de sympathie qui leur ont été adressés par les dirigeants, y compris la hiérarchie de l’institution policière, non seulement sont tard venus, mais marqués par une nonchalance crasse. L’attitude de Jovenel Moïse, du Premier ministre de facto Joseph Jouthe, de Léon Charles et des autres autorités policières vis-à-vis de ces derniers constitue un acte de mépris à l’égard du peuple haïtien. Voilà des actes qui exigent la démission globale des acteurs responsables.
Jovenel Moïse était déjà rejeté sans appel, par le peuple haïtien, en raison de ses multiples dérives et les actes criminels perpétrés sous les régimes PHTKistes qu’il a dirigés, par des tueurs à gages. Sans l’appui de la communauté internationale, il aurait été déjà chassé du Palais national. Le méga crime qui vient d’être perpétré, à Village de Dieu, est l’occasion de chasser définitivement Jovenel Moïse du Palais national, son mandat constitutionnel ayant pris fin depuis le 7 février. Aussi bien d’entraîner la démission de tous ceux dont la responsabilité est établie de manière non équivoque.
Cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, édition du 17 mars 2021 VOL. LI, No. 11 New York, et se trouve en P. 10 à : http://haiti-observateur.info/wp-content/uploads/2021/03/h-o-17-mars-2021.pdf