Des élections législatives en octobre; des présidentielles anticipées aussi ? par Léo Joseph
- FIN DU MANDAT DE JOVENEL MOÏSE : ÉVITER COÛTE QUE COÛTE DES POURSUITES JUDICIAIRES
- La machine PHTKiste tourne à plein rendement…
La mobilisation lancée par le Palais national invitant les citoyens à retirer la «carte d’identité Dermalog», dans le cadre du projet d’élection de Jovenel Moïse, diversement dénoncée dans les milieux politiques, se con firme. Des sources dignes de foi, proches de la présidence, ont révélé l’intention de l’équipe au pouvoir d’organiser «des élections» avant la fin de l’année 2020. Il semble que ces démarches s’intensifient, en dépit de la progression agressive de la pandémie du coronavirus, dans le pays, en raison d’un vent de panique qui souffle dans le camp de l’équipe au pouvoir. Car, comprenant le danger que charrie le débat ouvert sur la fin du mandat du chef de l’État, Nèg Bannann nan et ses collaborateurs estiment nécessaire de prendre des mesures urgentes «dans l’immédiat».
En effet, des proches de M. Moïse, qui souhaitent rester anonymes, ont révélé que le président et ses proches collaborateurs travaillent d’arrache-pied pour mettre à point la machine électorale dont les activités doivent débuter des semaines avant les élections prévues pour le mois d’octobre. Bien qu’aucune date exacte n’ait encore été fixée, ces informateurs ont précisé que les préparatifs sont en cours «pour que les élections législatives aient lieu au mois d’octobre de cette année». Car, depuis que se sont multipliées les interventions relatives à la date de la fin du mandat de Jovenel Moïse, ce dernier et son équipe ont lancé des initiatives tous azimuts en vue d’assurer une «sortie ordonnée et sécurisée» de ce dernier du Palais national.
D’après ce qui se répète, dans les couloirs du Palais, Jovenel Moïse visait l’organisation des élections se basant sur la fin de son mandat à la date du 7 février 2022. Le lancement d’une campagne de fait sur la date de la fin de son mandat et l’engouement qu’elle suscite, dans les milieux intellectuels et politiques nationaux, l’ont porté à se précipiter dans une stratégie susceptible d’aboutir à une issue heureuse pour sa présidence. C’est-à-dire parvenir à éviter le mauvais sort qui l’attend naturellement, tout au moins des poursuites judiciaires en cascade.
Ces préoccupations concernent non seulement la première famille, dont les dérives dans la gestion des affaires du pays ne se comptent plus, mais aussi les alliés de Jovenel Moïse, dont le rôle dans les malversations, la corruption ainsi que dans d’autres crimes financiers et politiques per pétrés par les tenants du pouvoir, au cours des quatre dernières années. Dans cet ordre d’idées, le dossier des génocides commis, surtout dans les quartiers populaires, où ont été massacrées des dizaines de personnes, y compris des femmes et des enfants à bas âge, par des proches du Palais national. De tels forfaits ont été dénoncés par les Nations Unies, qui les ont assimilés à des crimes contre l’humanité. Les dossiers de ces crimes, qui ont été bâtis, étant disponibles en permanence, signifient qu’au moment opportun seront déclenchées des poursuites contre les auteurs de ces actes, ainsi que leurs commanditaires. Il est donc aisé de comprendre pourquoi les thuriféraires de Jovenel Moïse s’acharnent tellement à défendre la tenue de son mandat présidentiel jus qu’au 7 février 2022, en lieu et place de la date constitutionnelle du 7 février 2021.
Martine Moïse, candidate au Sénat ?
Dans la meilleure tradition du PHTK, dominé par des «bandits légaux», des personnes dont les activités font d’elles des ennemis potentiels de la justice, assurer l’impunité à ces malfrats à cravate ou proches du pouvoir reste la principale préoccupation. C’est dans cette logique que le Parlement haïtien des deux dernières décennies avait dans son sein des trafiquants de drogue notoires ou des gens mal famés dont la campagne électorale a bénéficié du financement d’hommes d’affaires malhonnêtes se donnant pour objectif d’escroquer le peuple haïtien, grâce à la collaboration de dirigeants vénaux. Mais aussi avec l’assentiment d’autorités électorales stipendiées, sinon ordonnées de décider dans un sens donné par des décideurs en haut lieu. Cette pratique, rarement utilisée sous les Duvalier (en vue d’introduire des duvaliéristes farouches, qui sont des personnes incultes, à la Chambre des députés, tel un Sainjoius Pascal) a été plus avantageusement mise à profit avec l’avènement de Jean-Bertrand Aristide, puis avec René Préval. Mais c’est avec l’arrivée de Michel Martelly au pouvoir que les parlementaires dits «pharmaciens» (ou dealers de drogues) ont envahi le Parlement. Mais à la faveur de l’accession de Jovenel Moïse au pouvoir, les personnes de cet acabit se sont installées en force dans les deux Chambres. Regroupés au sein des majorités parlementaires, ces gens connus pour leurs activités illicites se sont engagés à contribuer largement au pilotage des projets et décisions du président Jovenel Moïse, mais surtout ceux-là mêmes qui sont jugés illégaux ou néfastes aux intérêts du pays.
Tous ces parlementaires décriés et dont les activités illicites sont dénoncées à la criée publique n’ont pas eu à s’inquiéter d’une quelconque action judiciaire, car, protégés par l’immunité parlementaire dont ils sont constitutionnellement dotés. Voilà pourquoi la fonction de sénateur et de député est si convoitée par ceux dont les affairements les mettent naturellement en porte à faux par rapport à la justice. À l’approche des prochaines élections pour renouveler les personnels dirigeants du pays (présidence, Parlement, municipalité, CASECs et ASECs), que Jovenel Moïse tient coûte que coûte à organiser lui-même, une nouvelle cuvée de fonctionnaires en quête d’immunité s’est mise en branle. Le maintien du président PHTKiste s’avère incontournable pour mener avec succès une telle entreprise. Donc en ligne tous ceux qui se trouvent dans cette catégorie !
Martine Moïse, la première dame, définitivement passible d’une poursuite judiciaire, en temps et lieu, pour son rôle présumé dans des opérations de surfacturation et de détournements de fonds public, mais surtout à cause du rôle qu’elle a joué dans le contrat Dermalog, avec la compagnie allemande, Pour elle comme pour son mari et la foule des PHTKistes qui ont participé aux innombrables crimes perpétrés durant les dix dernières années, la date fatidique du 7 février 2021, qui marque la fin du mandat constitutionnel de Jovenel Moïse, doit être repoussée, quelles que soient les conditions.
Voilà pourquoi, dans la logique du Palais national, il faut porter la première dame à la victoire, en tant que sénateur de la République, à l’occasion des élections que Jovenel Moïse compte organiser au mois d’octobre. Cette information, qui été relayée par deux personnalités proches de la présidence, font croire que les tournants et aboutissants des décisions relatives à ces joutes, bien qu’arrêtées, font encore l’objet de vives discussions. Car tous les PHTKistes, dont les intérêts font d’eux des parties prenantes de cette initiative, tiennent à y placer leurs mots. Particulièrement ceux qui se savent concernés par les demandes de comptes, qui suscitent de sérieuses discussions au sein de la classe politique. Mais encore, et surtout, les noms des personnalités se trouvant dans l’avant-scène des activités et décisions du pouvoir.
Tout compte fait, si Jovenel Moïse, à l’instar de Michel Martelly, réussit à nommer son candidat pour lui succéder à la présidence, en sus d’installer une machine électorale, qui soit prête à manipuler le scrutin, de manière à assurer la victoire de ce postulant, il y aura certainement renvoi à une date lointaine dans le futur de toute une série d’événements qu’attend impatiemment le peuple haïtien. En effet, dans de telles conditions, il y a fort à parier que les procès liés à la dilapidation du fonds PetroCaribe, de l’affaire Dermalog, les différentes opérations de surfacturation, les malversations et vol de fonds publics commis au Parlement ainsi que d’autres dossiers criminels déjà construits, seront renvoyés aux calendes grecques.
À ce tournant de l’histoire d’Haïti, Jovenel Moïse et ses al – liés politiques du PHTK ont recours à tous les moyens pour esquiver leurs responsabilités dans les crimes qu’ils ont commis au pouvoir. En tout cas, nonobstant les stratégies mises en place par le président haïtien et son équipe, le peuple haïtien a le dernier mot.
cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, VOL. L No.23 New York, édition du 10 juin2020 et se trouve en P.1,5, à :
http://haiti-observateur.info/wp-content/uploads/2020/06/H-O-17-June-2020.pdf