Complot d’occupation : Quel rôle attribué à la Russie ? par Raymond Alcide Joseph
- ANALYSE
Le BINUH (Bureau intégré des Nations Unies en Haïti) a été la première organisation à demander qu’il y ait investigation sur ce qui s’est passé vendredi dernier, 12 mars, lors de la boucherie à Village-de-Dieu. Devra-t-on s’attendre, vraiment, à une investigation quand, selon les premiers indices, l’opération n’est qu’un trompe l’œil pour préparer la voie à une occupation d’Haïti par des troupes et/ou des mercenaires étrangers ? Quel cynisme de planifier le sacrifice de certains humains dans des buts aussi précis !
Que la Russie se mêle à la crise haïtienne, le même vendredi de la boucherie de Village-de-Dieu, et ceci très tôt ce jour-là, donne à réfléchir. En effet, dans un tweet de ce jour, à 4:39 AM, c’est la Russie qui entre en jeu dans la crise haïtienne. Voilà que la porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Maria Zakharova, au nom du gouvernement, émet le tweet suivant : «Haïti est entré dans une nouvelle période d’instabilité politique et dans la plus grande crise socio-économique jamais enregistrée ».
En la circonstance, ce pays membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies (ONU) fait une offre : « Nous avons l’intention d’aider à Haïti à rétablir la stabilité politique, à maintenir sa sécurité intérieure, à former son personnel », à maintenir la paix et à garantir les droits de l’homme ». À bien comprendre, la formation du personnel vise l’entraînement de la Police, ainsi que de l’Armée, le cas échéant, afin de contrôler la crise sécuritaire. Sans le dire, les Russes accusent la grande puissance de l’hémisphère occidental, les États-Unis, d’être au-dessous de la tâche de sécuriser son arrière-cour, pour ainsi dire.
Il y a urgence en la matière. Ainsi, lundi, 15 mars, après que le secrétaire général de l’Organisation des États américains (OEA), Luis Almagro, eut annoncé avoir reçu une demande d’ « aide technique » en matière de sécurité, de la part du président haïtien, Jovenel Moïse, émet ce tweet : « J’ai eu avec le SG Almagro, de l’OEA, ce lundi 15 mars, un entretien qui a porté exclusivement sur la sécurité. Lors de cet échange, j’ai sollicité de cette importante Organisation (sic) un support technique â la PNH afin de lutter efficacement contre le banditisme et le terrorisme ».
Selon certains commentaires, le scénario du ViIlage-de-Dieu avait pour but de créer des conditions favorables à la demande «d’aide technique», ouvrant la voie à une sorte d’occupation afin que, sous une tutelle déguisée, Jovenel Moïse puisse continuer à maintenir le pouvoir, même au-delà du 7 février 2022. Toute fois, il n’est pas acquis que les gouvernements membres de l’OEA soient disposés à dépêcher des troupes en Haïti. Ainsi, se rabattrait-on sur une autre force sous l’égide de l’ONU, une autre mission du genre MINUSTAH, revue et corrigée. Et la Russie y voit une opportunité de s’intégrer davantage dans l’hémisphère, après ses installations à Cuba et au Venezuela.
On ne saurait passer sous silence les informations fournies par quelqu’un du sérail qui faisant état d’une certaine complicité d’un haut cadre de la police dans l’échec des 12 policiers envoyés en mission suicidaire à Village-de-Dieu, le 12 mars. Lors d’une interview, le 15 mars, à «Sa K ap Kuit » animée par Robenson Geffrard, sur la chaîne 20, à Port-au-Prince, on a vu Lionel Lamarre expliquer comment les policiers envoyés en mission étaient dénués d’information, qui aurait fait la différence entre la vie et la mort.
Selon, Lamarre, répondant aux questions de Geffrard, un inspecteur de police, dont le nom n’a pas été divulgué, n’avait pas communiqué aux policiers dans les véhicules d’assaut dépêchés à Village-de-Dieu tous les rapports que transmettaient les drones, ces engins électroniques, installés au Quartier général de la police, indiquant que les voies menant au Village étaient piégées. Car les membres du gang qui contrôle la zone, avaient creusé des fossés qu’ils auraient recouverts de sacs remplis de sable. Après le passage des véhicules, les sacs sont enlevés, empêchant ainsi toute possibilité d’échapper au piège tendu à la force d’intervention. Dire aussi que les dirigeants des gangs ont été avisés, à temps, sans doute par leurs antennes au sein de la police, voire au Palais national.
Il ressort que le haut gradé en question n’est autre que l’inspecteur général Carl-Henry Boucher, responsable de la Direction des renseignements généraux, qui n’a pas transmis aux policiers en mission les informations disponibles concernant les dispositifs en place à l’entrée de Village-de-Dieu. Aussi, les appels répétés au secours des policiers sont restés sans réponse.
Ainsi, mardi, après une réunion des grands manitous autour de la boucherie à Village-de-Dieu, l’inspecteur Boucher, indexé, a été transféré à l’Académie militaire, à Frères (Pétion-Ville). Ce ne fut que pour quelques heures, car suite à une grogne grandissante au sein de la Police, Boucher a été ramené au Quartier général où il serait gardé en isolement.
Entre-temps, on a laissé entendre que tout le Haut État-major de la Police suivait le déroulement des événements, via les drones déployés dans l’air de Village-de-Dieu. Donc, l’inspecteur Boucher ne devait pas servir de bouc émissaire. Qu’il dise de qui a-t-il obtenu l’ordre d’agir comme il l’a fait. Le torchon brûle !
Il ressort de ce récit que plusieurs personnalités ont trempé dans le plan visant la nouvelle occupation du pays. Que des policiers aient payé de leur vie dans cette affaire d’un cynisme écœurant, c’est normal pour ces messieurs du PHTK, qui ont organisé les gangs, les ont pourvus en armes et munitions, selon les déclarations d’Izo et de Ti Lapli, les chefs du « Gang 5 Segonn », à Village-de-Dieu. Maintenant, à travers Preble-Rish, la firme à tout faire des beaux-frères de Michel Martelly, Kiko Saint Rémy et Gesner Champagne, dit Ti Gès, s’apprête à ramasser des mil lions à la pelle provenant de nouveaux contrats en matière de sécurité. D’ailleurs, n’ont-ils pas annoncé un fond, en mémoire des « héros » du 12 mars 2021 ?
Revenant à l’investigation qu’aurait demandée le BINUH, une fois les occupants sur place, on aura oublié toute enquête pouvant révéler les dessous de cette affaire. D’ailleurs, dans l’Haïti des Michel Martelly, Jovenel Moïse et consorts, la justice est inexistante et l’impunité est à l’ordre du jour. Alors, il reviendra au peuple de demander des comptes, comme bon lui semble!
*Continuant son pèlerinage téléphonique, mardi, le président de facto Jovenel Moïse s’est adressé au secrétaire général de l’ONU, Antonió Guterres. Il a renouvelé la requête faite à Luis Almagro de l’OEA, mais beaucoup plus ambitieux dans sa demande. Dans son tweet, Moïse dit ceci : « J’ai eu ce mardi 16 mars un entretien avec le SG de l’ONU @antonioguterres. J’ai sollicité de l’ONU un appui technique et logistique pour la PNH, afin de combattre le banditisme en Haïti et renforcer le programme de réduction de la pauvreté » (Lettres grasses, les nôtres).
Vu l’influence mondiale de l’ONU, Moïse entend une implication beaucoup plus élaborée de sa part. Outre le programme de «réduction de la pauvreté ». Moï se prévoit l’axe politique. «Au cours de cet entretien » avance-t-il « le SG @antonioguterres et moi avons évoqué le dossier du dialogue national interhaïtien. Je reste convaincu qu’à travers ce dialogue, nous parviendrons à résoudre la crise actuelle et bâtir ensemble une Haïti plus juste, solidaire et prospère ».
En se donnant des airs de président en exercice, pouvant converser avec les leaders d’organisations internationales ― et peut-être qu’il aura bientôt un entretien avec son homologue américain — Jovenel Moïse croit pouvoir faire accepter toutes ses violations de la Constitution du pays ainsi que ses crimes de tous genres, et même installer une nouvelle dictature, pire que celle des Duvalier. Autres temps, autres mœurs ! Il parait qu’on est à la veille de grands événements à ce carrefour du folklore haïtien dit « Kalfou Tenten ! »
RAJ 17 mars 2021 raljo31@yahoo.com
Cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, édition du 17 mars 2021 VOL. LI, No. 11 New York, et se trouve en P. 2 à : http://haiti-observateur.info/wp-content/uploads/2021/03/h-o-17-mars-2021.pdf