Contre vents et marées, toujours au rendez-vous… par Léo Joseph

Haïti-Observateur, voilà déjà un demi-siècle !

  • 23 JUILLET 1971-23 JUILLET 2021
  • Contre vents et marées, toujours au rendez-vous… Par Léo Joseph

Nous nous félicitons d’avoir tenu la route, depuis le 23 juillet 1971, date de sortie de la première édition d’Haïti-Observateur (H-O), à ce jour. Aussi bien de la proclamation de cet organe de presse, par plus d’un, faisant de lui « un record » de journalisme en diaspora. Tout en applaudissant cet exploit, nous associons tous les collaborateurs, à tous les niveaux, et de toutes catégories, éparpillés à travers le monde, à ce succès, pour avoir œuvré, tel dans un sacerdoce, pour le rendre possible. Ces félicitations s’adressent aussi aux commanditaires, y compris les entreprises (surtout étrangères) qui ont fait véhiculer leurs publicités dans le journal, ainsi que les lecteurs et abonnés qui l’ont supporté.

Dans la précédente édition (4 août-11 août 2021), mon frère, Ray Joseph, l’ancien ambassadeur d’Haïti à Washington, a levé le voile exposant les lecteurs, somme toute partiellement, aux événements et personnalités liés à la genèse de cet hebdomadaire. Aussi a-t-il fait des artistes et collaborateurs, parties prenantes de ce grand succès. Mais il est opportun de rappeler qu’en sus des deux frères Joseph, trois autres compatriotes, malheureusement décédés, ont porté Haïti-Observateur sur les fonts baptismaux, en tant que membres fondateurs. Il s’agit de Me Georges D. Rigaud, Clausel Théard, Ph. D. et Glodys Saint-Phard, Md. Voilà l’équipe originale, qui a jeté les bases de ce cinquantième anniversaire.

Non seulement l’hebdomadaire n’a pas manqué à son rendez-vous avec ses lecteurs, durant ces cinquante ans d’existence, il est resté égal à lui-même, par rapport à sa mission annoncée dans sa première édition : défendre les intérêts des Haïtiens.

En effet, les victimes d’abus de pouvoir, notamment au niveau des institutions d’État ou de personnes mal intentionnées, notamment dans le cadre de conflits terriens, se sont toujours adressées à nous pour exposer leurs doléances. Il y en a d’autres engagés dans des conflits commerciaux emprisonnés injustement, ou encore tous autres contentieux qui dépassent leurs compétences ou leurs moyens, estimant n’avoir plus d’autre recours que de solliciter l’intervention du journal. Dans de tels contextes, nombre de cas dénoncés ont été traités par H-O, dont l’équipe écoutait attentivement et avec discrétion, les dénonciations des plaignants, rassurés que leur identité bénéficie du plus grand secret.

L’équipe d’H-O se félicite, spécialement encore, du succès de son service aux dénonciateurs. Chez nous, une attention spéciale est donnée à ceux qui mènent la lutte contre la corruption, en général, ou qui exposent les gros scandales qui éclatent au sein de l’administration publique. La dénonciation des méfaits des gouvernants est un phénomène rare en Haïti. Pourtant des patriotes s’exposent à des risques incalculables en dénonçant les artistes de la corruption. Durant les cinquante ans d’existence d’H-O, les dénonciateurs de dérives des autorités ont toujours trouvé une oreille bienveillante et le souci de répondre avec empressement à leurs préoccupations.

Bien que l’identité des rédacteurs soit connue des lecteurs et du public, en général, les artistes, notamment maquettistes, dactylographes, qui animaient l’atelier, formaient l’équipe invisible qui don nait corps à chaque édition. Si le noyau dur à l’origine se composait d’amis et de parents, notamment Jessie Faubert (née Sajous), Maud Dupuy (née Rousseau), Irmène Jean-Baptiste (née Balthazar – décédée), Raymond Cadet (illustrateur), d’autres ont, par la suite, rallié l’équipe originale. À ces derniers se sont joints Marie-Carmel Henri et Rosie An – grand. Mais c’est plutôt Gisèle (née Saint-Macary), mon épouse, qui assurait la mise en page avec Jessie. Première maquettiste d’H-O, elle a eu, plus tard, la collaboration d’autres amis, comme Eddy Crèvecœur, Alix Abroise (Buyu), Marjorie Jean-Baptiste, Béatrice Hyppolite, DHSC, LMSW. L’arrivée de cette dernière a coïncidé avec le grand bond technologique, occasionnant l’informatisation de la production du journal, en novembre 2004.

Après avoir assuré la mise en page, par maquette, durant trente-trois ans, Gisèle devait aussi faire l’apprentissage de cette technique, désormais informatisée, avec la collaboration de Jean César, qui n’a pas fait long feu, en tant que membre du personnel. Incontestablement, l’intégration de Béatrice à l’équipe était providentielle. Car mon épouse n’allait pas tarder à découvrir que son œuvre de maquettiste allait terminer en 2009, en raison de la maladie de Parkinson dont elle avait été diagnostiquée en été 2009. Mais Béatrice était là, et qui assure valablement la relève depuis lors.

Journal qui menait la guerre contre la dictature des Duvalier, H-O se gardait de solliciter la publicité auprès des entreprises haïtiennes, en diaspora, encore moins celles basées en Haïti.

Ainsi seuls les hommes d’affaires qui adhéraient à la cause que défendait le journal (une faible minorité) y faisaient véhiculer leur publicité. Autrement, H-O adressait ses requêtes de publicité auprès des hommes d’affaires étrangers. C’est pourquoi il faut préciser que, tout en se gardant de faire la publicité à Haïti-Observateur, la majorité des chefs d’entreprise en diaspora, qui avaient des parents restés au pays, ou qui s’y rendaient fréquemment, supportait moralement le journal. Il y en avait même qui faisaient des contributions discrètement à la Direction.

Adolescent, quand il militait au journal, alors qu’il allait à l’école à Montréal, Érick Saint-Louis retourna à sa famille, à New York, en 1977. Il rallia tout naturellement l’équipe d’H-O à New York. Avec son dynamisme naturel, il constata immédiatement qu’un élément manquait, l’organisation de la publicité. Fortement appuyée par l’administration, cette idée prit corps rapidement. En peu de temps était créée une carte de tarifs, une décision qui devait faire suite à une campagne menée par Érick auprès des entreprises étrangères. Les avocats, qui avaient découvert une entreprise lucrative parmi les immigrants, sont sautés sur l’occasion pour servir leur clientèle, en matière d’immigration, par le truchement d’H-O. Cette nouvelle activité commerciale allait se développer très rapidement avec la chute de la dynastie des Duvalier. On peut dire que le journal venait de changer de statut. L’organe de presse militant était devenu commercial. À part le département de publicité, dont il avait la charge, Érick Saint-Louis exécutait d’autres tâches liées surtout à la gestion des affaires.

Après quelques années de service à H-O, ce dernier sentait le besoin de tenter ses chances ailleurs (1988). Aussi avait-il commencé par se joindre à des avocats, dans le cadre des services aux immigrants. C’est donc un service à la publicité bien organisé que Maurice Moses a trouvé quand il fit son entrée à H-O comme remplaçant d’Érick.

Stratégies pour distribuer le journal

Mais avant que l’autoroute de l’informatique ne vienne assurer la diffusion électronique d’H-O, surtout durant les années 1971 à 2002, il fallait créer un réseau de distribution, où la version papier était exclusivement disponible dans les kiosques, aux États-Unis (New York, Philadelphia, Chicago, Washington, D.C., Miami, Boston, etc.) et au Canada (Montréal). Les autres villes américaines, canadiennes et portoricaines, ainsi que l’envoi vers les autres continents dépendaient du Bureau postal des États-Unis. On peut imaginer qu’un organe de presse comme H-O, dédié, d’abord, à la critique et aux dénonciations de la dictature des Duvalier (Jean-Claude Duvalier surtout) n’avait pas droit de cité en Haïti. À cette époque (avant la chute de la dictature), les lecteurs se trouvant en Haïti dépendaient du transport clandestin du journal ou de son arrivée par valise diplomatique.

La distribution, en Amérique du Nord, devait compter sur les logistiques spéciales mises en place dans ces zones, et qui fonctionnaient merveilleusement bien, grâce au dévouement d’une équipe bien rodée, dont faisaient partie tour à tour : Jean Robert Balthazar et Budry Daniel (Washington, D.C.- Maryland-Virginie), Viter Juste et Michel Léandre (Miami), Philadelphie, Boston, Chicago (Clausel Théard) et Montréal (Me Georges D. Rigaud, Gérard Louis-Jacques, Érick Saint-Louis).

Dans le cadre de la célébration du 50e anniversaire d’H-O, nous nous proposons de faire le récit de cette fructueuse aventure, afin que le public puisse connaître les conditions dans lesquelles évoluait un journal, fondé par des exilés haïtiens, qui a subi le test du temps avec succès. La rubrique du 50e anniversaire continue encore pendant quelques semaines. L.J


cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur VOL. LI, No. 30 New York, édition du 11 août 2021, et se trouve en P. 1, 8, 13, à : h-o 11 aout 2021