Cri d’alarme du Haut Commissionnaire des droits humains de l’ONU par H-O

INSÉCURITÉ, PAUVRETÉ, INÉGALITÉS INSTITUTIONNELLES ET AUTRES

  • Cri d’alarme du Haut Commissionnaire des droits humains de l’ONU par H-O

Il semble que le siège des Nations Unies, à New York, ne soit pas logé à la même enseigne que le Bureau du Haut Commissaire pour les droits humains basé à Genève. Lors d’une séance d’information tenue à Genève, le mardi 19 janvier, sous la houlette de Marta Hurtado, porte-parole du chef de l’institution, la situation d’Haïti est présentée à travers un prisme totalement différente de ce qu’affiche la représentante spéciale du secrétaire général de l’ONU, en Haïti, Helen Meagher Lalime.

Voici le texte entier du document diffusé à l’issue de cette réunion.

« Nous craignons que l’insécurité, la pauvreté et les inégalités structurelles persistantes en Haïti, associées à des tensions politiques croissantes, ne conduisent à un mécontentement public suivi d’une violente répression policière et d’autres violations des droits de l’homme.

« Ces derniers mois, les enlèvements contre rançon, les attaques de bandes criminelles contre des quartiers perçus comme rivaux et l’insécurité généralisée ont augmenté dans un contexte d’impunité presque totale. Parallèlement, les tensions politiques refont surface en raison de différends sur le calendrier et la portée des élections et d’un référendum sur la réforme constitutionnelle proposée par le gouvernement.

« Les appels à des manifestations de masse se multiplient. Cela suscite à son tour des inquiétudes quant à la recrudescence des violations des droits de l’homme par les forces de sécurité lors du maintien de l’ordre lors des manifestations, comme on l’a vu lors des mois de protestation en 2018 et 2019, ainsi que lors des manifestations d’octobre et novembre de l’année dernière.

« Les violations des droits de l’homme par les forces de sécurité haïtiennes et les abus des droits de l’homme par les membres des gangs pendant les troubles sociaux de 2018-2019, sont  documentés dans un rapport du Service des droits de l’homme du Bureau intégré des Nations unies en Haïti et du Bureau des droits de l’homme des Nations unies, qui a été publié il y a quelques heures. Le rapport montre un schéma de violations des droits de l’homme et d’abus suivis d’une absence quasi totale de responsabilité. En outre, il documente les violations des droits de réunion pacifique et de la liberté d’expression. Le rapport documente également les impacts des manifestations et des barricades érigées, en particulier en 2019, sur la vie quotidienne du peuple haïtien. Plus précisément, il aborde les restrictions à leur liberté de mouvement, leur accès aux soins de santé, y compris la santé sexuelle et reproductive, leur accès à l’éducation et leur droit à l’alimentation. Il souligne également l’impact des barricades dans la population carcérale.

« Les autorités doivent immédiatement prendre des mesures pour éviter la répétition de ces violations et abus des droits de l’homme en veillant à ce que les agents des forces de l’ordre respectent les normes et standards internationaux concernant l’usage de la force lorsqu’ils traitent des protestations. Les autorités devraient également veiller à ce que les gangs n’entravent pas le droit des gens à manifester pacifiquement. Le gouvernement devrait également garantir la responsabilité des violations et abus passés, en assurant la justice, la vérité et les réparations.

« Haïti devrait également prendre des mesures pour répondre aux griefs de la population et aux causes profondes qui ont alimenté les protestations, notamment l’impunité généralisée, les allégations de corruption, la pauvreté persistante, les inégalités structurelles, l’accès limité aux services sociaux et d’autres difficultés dans l’exercice des droits économiques et sociaux par le peuple haïtien.

« Les récents décrets présidentiels portant création d’une agence nationale de renseignement et sur le renforcement de la sécurité publique sont préoccupants, car les analyses préliminaires indiquent qu’ils ne semblent pas conformes aux normes et standards internationaux en matière de droits de l’homme. Ils risquent également d’entraîner une nouvelle répression des droits à la liberté de réunion pacifique, d’association et d’expression. Les actes de violence commis par les manifestants lors de précédentes manifestations ne devraient pas servir de prétexte pour restreindre les libertés fondamentales et réduire l’espace civique.

« Nous saluons l’engagement de la Police nationale haïtienne à réformer les pratiques documentées dans le rapport, notamment en veillant à ce que les agents participant au maintien de l’ordre lors des manifestations reçoivent une formation et des instructions adéquates. Le Bureau des droits de l’homme des Nations unies est prêt à continuer à soutenir les autorités de l’État dans leur respect des obligations internationales en matière de droits de l’homme. Il exprime sa volonté de continuer à travailler à la création d’un bureau national ».

Tombé moins d’un mois avant la fin constitutionnelle du mandat de Jovenel Moïse, qui se démène comme un beau diable pour rallonger son temps au pouvoir d’un an supplémentaire, constitue un signal clair. Surtout que le lancement de ce signal, qui a tout l’air d’un changement de politique et de stratégie de l’ONU, à l’égard d’Haïti, n’a pas été émis par le truchement de son représentant local. Cela semble vouloir dire que Mme La Lime a perdu toute crédibilité auprès du peuple haïtien.


Cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur (New York) VOL. LI No. 3, édition du 20 janvier 2021, et se trouve en P. 1, 4, 6 à : http://haiti-observateur.info/wp-content/uploads/2021/01/h-o-20-janvier-2021.pdf