LES HAÏTIENS SONT-ILS ROULÉS DANS LA FARINE PAR JOE BIDEN ?
- D’aucuns évoquent la théorie de la « manipulation clintoniènne » Par Léo Joseph
- L’affaire PetroCaribe et le Fonds de reconstruction d’Haïti dans la politique américaine
À constater la manière dont Joe Biden, qui avait promis aux activistes haïtiens de la diaspora d’inverser la politique haïtienne de Donald Trump, on dirait — et pour cause —, qu’il a roulé ces derniers dans la farine. En tant que président démocrate, donc protecteur de l’image de son parti politique, il se soucie grandement de la santé politique de celui-ci. Dans ce cas, il doit se garder de faire en sorte que sa politique ne conforte une stratégie visant à mettre à mal ses patrons politiques. Dans cet ordre d’idées, d’aucuns pensent que le sauvetage immédiat du peuple haïtien est sacrifié sur l’autel des Clinton.
Bien qu’aucune enquête approfondie n’ait été encore lancée sur la dilapidation du Fonds de reconstruction d’Haïti (sigle anglais CIRH), dont l’ex-président démocrate américain, William Jefferson Clinton, et l’ancien Premier ministre de René Préval, Jean Max Bellerive, assuraient la co-présidence (sigle FRH en français ou Fonds de reconstruction d’Haïti), les observateurs persistent à lier le détournement/gaspillage du Fonds PetroCaribe au sort dont ont été victimes les milliards de dollars qui avaient été collectés auprès des pays membres des Nations Unies, sous l’égide dc celle-ci.
L’initiative lancée par le secrétaire général de l’ONU, en faveur de la reconstruction d’Haïti s’était basée sur le rapport des dégâts causés par le séisme du 12 janvier 2010, qu’avait présenté le Premier ministre Bellerive.
En effet, selon le document diffusé par la primature, en février de la même année, la dévastation était considérable, ayant affecté plusieurs villes du pays, notamment Port-au-Prince, PetitGoâve, Léogâne, Jacmel, ainsi que d’autres communautés du sud-est. Le bilan des dégâts fait dans le rapport relève que 250 000 résidences et 30 000 immeubles commerciaux s’étaient effondrés, sinon sévèrement endommagés.
Parmi les infrastructures démolies ou endommagées ont été signalés le Palais présidentiel, la Cathédrale de Port-Prince, le Palais législatif, le ministère de l’Éducation nationale la prison principale de la capitale et bien d’autres.
Le système éducatif était aussi sévèrement affecté, en raison des dommages subis par plusieurs écoles, dont la moitié des 15 000 du pays, en sus de 1 500 immeubles logeant des institutions secondaires; aussi bien que les trois universités principales de la capitale qui ont été également sévèrement endommagées. Autres infrastructures signalées, des usines, des musées, le système téléphonique, les réseaux de radio et de communications. Sans négliger l’infrastructure routière, qui était fortement affectée rendant les déplacements à l’intérieur du pays extrêmement difficile, obligeant les voyageurs à prendre un temps infini pour se déplacer d’un point à l’autre.
De toute évidence, la visite du pays par des officiels des pays membres de l’ONU et des journalistes n’ont pas manqué de permettre à tout ce monde de corroborer ce bilan par leurs expériences individuelles sur le terrain.
USD 16 millions promis, plus de 4 milliards collectés
Point n’est besoin de dire que, face à tant de destruction, les pays invités à prendre des engagements de dons n’avaient pas lésiné sur les adhésions. Aussi un montant de USD 16 milliards $ furent promis, dont les premiers USD 4 milliards $ + avaient été décaissés comme fonds propre de la CIRH, l’entité qu’allaient diriger conjointement Bill Clinton et Jean-Max Bellerive.
De toute évidence, la CIRH n’était pas en reste de moyens pour s’accomplir de sa mission. Toutefois, le programme de reconstruction, qui a été mis sur pied, à l’initiative de ce duo ou bien à la suite de son approbation, après avoir obtenu l’approbation de l’ONU, est passé totalement à côté de son objectif. Très peu de constructions ont été effectuées par la CIRH qui seraient susceptibles de justifier l’appellation d’une telle institution. Le bilan des dépenses supportées par cette structure reste encore à démontrer. Toujours est-il, les témoins de ce que représentent les débours effectués sur les USD 4 milliards $ + ne sont visibles nulle part en Haïti.
Pourtant, aucune enquête n’a été évoquée pour déterminer l’usage qui a été fait de cette importante somme d’argent. Il semble que même les journalistes fouineurs, toujours prêts à se lancer dans ce genre d’entreprise, n’y trouvent d’intérêt. Il faut croire qu’il y a une main (peut-être même des mains) qui empêche (nt) une telle activité d’aller de l’avant. Il est aussi curieux que même les Nations Unies, qui étaient à l’origine de la création de la CIRH, et qui avaient, d’ailleurs, fait choix de Bille Clinton et de Jean Max Bellerive pour piloter cette organisation, se sont imposées l’inaction totale et un silence coupable.
Fonds PetroCaribe et CIRCH, « blanc bonnet et bonnet blanc » ?
Les observateurs politiques et diplomatiques croient constater une étrange similarité entre le Fonds PetroCaribe et la CIRH, en tout cas en ce qui concerne, tout au moins, la manière dont les fonds des deux ont été détournés ou volés.
Dans l’esprit de plus d’un, vu que, au moins un des décideurs de la CIRH a participé au pillage du fonds PetroCaribe et que les deux entités ont eu à peu près le même sort, dès lors, le fonds PetroCaribe et la CIRH sont «blanc bonnet et bonnet blanc ».
À la lumière de toutes ces considérations, les démarches lancées par divers partis et groupes politiques, pour la tenue du procès PetroCaribe rendent des secteurs politiques américains, surtout les démocrates, réellement « inconfortables ». Car quand viendra le moment de demander des comptes aux dilapidateurs du fonds généré par le brut vénézuélien, cette démarche ne manquera pas de soulever l’affaire de la CIRH. Jean Max Bellerive ayant été co-président de cette organisation, avec l’ex-président Clinton, il y a fort à parier que ce dernier sera invité à témoigner par rapport au mode de fonctionnement du Fonds de construction d’Haïti. Ce qui pourrait aussi bien mettre la puce à l’oreille de certaines gens qui pourraient y trouver l’occasion de récolter des dividendes politiques.
Une telle perspective inquiète on ne peut plus le personnel en résidence à la Maison-Blanche, émanation de l’équipe Clinton/ Obama. Vice-président de Barack Obama, qui a maintenu la politique haïtienne inspirée par les Clinton, Joe Biden ne saurait s’engager dans aucune initiative dont la résultante serait de nature à créer les conditions de clouer ses patrons au pilori.
Cette situation s’apparente à celle qui avait été créée par le retour d’exil de Jean Bertrand Aristide derrière 20 000 soldats américains. Cette décision, prise par l’ex-président Clinton, résultait en de fortes pressions exercées sur lui par les membres du Black Caucus, le comité des législateurs afro-américain, dont plusieurs bénéficiaient d’espèces sonnantes et trébuchantes de la part du prêtre défroqué de Saint Jean Bosco.
Somme toute, les activistes haïtiens en diaspora, dont certains, encouragés par les promesses de l’équipe Biden ayant déclaré sa décision de prendre ses distances par rapport à la politique de Trump, qui croyaient fermement que le prochain Premier ministre allait sortir de leur rang, gèrent difficilement leur frustration. Cela se comprend, à voir Joe Biden, à Little Haiti, s’agenouiller publiquement pour signifier son engagement envers la communauté haïtienne, il faut s’imposer une bonne dose de retenue pour éviter de poser un geste regrettable.
À ce tournant, on devrait dire leçon bien apprise, tout en se rappelant que les politiciens sont des êtres ondoyants. Puisque tout est possible dans la quête du pouvoir. LJ
cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur VOL. LI, No. 27 New York, édition du 07 juillet 2021, et se trouve en P. 1, 3 à :