Des milliers de personnes dorment à la belle étoile… par Léo Joseph

DES COMMUNES ET SECTIONS RURALES DU GRAND SUD AUX ABOIS

  • D’Aquin jusqu’à Tiburon, des sinistrés abandonnés à eux-mêmes
  • Des milliers de personnes dorment à la belle étoilepar Léo Joseph

Si, dans la foulée du séisme du 14 août ayant laissé derrière lui des milliers de morts et la destruction massive, dans le Grand Sud, les agglomérations fortement peuplées et accessibles par voie terrestre ont commencé à recevoir l’aide et la visite récurrente des politiciens, les sinistrés des autres régions se disent « abandonnés » par le pouvoir central. Violemment saccagées par les secousses, des zones, qui bornent, pourtant, les grands axes routiers, se lamentent de leur situation, quand bien même ils auraient enregistré leur lot de décès et un pourcentage élevé de maisons détruites ou rendues inhabitables. De la commune d’Aquin, première zone sévèrement touchée, venant de Port-au-Prince, en direction des Cayes, jusqu’à l’extrême côte sud, à Tiburon, les distributeurs de l’aide tardent encore à arriver.

En effet, à partir de la commune d’Aquin, toutes les sections rurales, à des dizaines de kilomètres de rayon, dans toutes les directions, sont touchées. Si les dégâts ont été, partiellement constatés, par la Direction de la Protection civile locale, les évaluations n’ont pas pu se faire, pour raisons logistiques, le personnel de l’institution n’étant pas doté de moyens pour effectuer les déplacements vers les régions d’accès difficile. En tout cas, des maisons sont tombées à Maseillant, Virgile, La Colline, Source Baptiste, Moinson, Bidouze, Jonc d’Audain, Desbas, Colline Magron, etc. Ou encore à Lasile, Changeux. Les maisons qui ont été bâties, durant les trente dernières années, ont été, pour la plupart, les principales victimes. Toutefois, en raison précisément de l’inaccessibilité de nombreuses agglomérations rurales, l’équipe de la Protection civile n’a pu encore faire un bilan objectif des dommages et du nombre de décès. Voilà pourquoi les statistiques rapportées sont toujours accompagnées de la mise en garde « provisoire ».

Commune d’Aquin : Les dégâts

Les premières impressions relatives aux dommages occasionnés, à la commune d’Aquin, par le tremblement de terre du 14 août, ont été terriblement minimisées. Le bilan temporaire établi par la Protection civile régionale fait état de 34 morts et de trois personnes portées disparues et de 534 blessés, dont 388 jugés graves.

L’organisme officiel d’évaluation des dégâts signale plus de 3 000 maisons effondrées et au moins 6 500 sérieusement endommagées et plus de 6,000 moins gravement affectées.

Il faut retenir que les pertes annoncées sont sujet à révision à la hausse, au fur et à mesure que s’opèrent des visites sur place, une opération qui pourrait se dérouler dans plusieurs jours, car certaines zones éloignées ont des routes d’accès à peine carrossables.

À Aquin proprement dit, les maisons victimes sont celles construites en blocs et en ciment, qui ont été érigées au cours des derniers dix à trente ans. En ce sens, les personnes qui étaient retournées au pays, après avoir vécu de longues années à l’étranger, construire leurs résidences de retraite, suivant les modèles supposément modernes; ou d’autres qui, vivant en diaspora ont fait bâtir des résidences, soit pour eux-mêmes ou pour leurs parents et familles restés dans leurs patelins d’origine, sont les plus grandes victimes. En termes de maisons démolies ou condamnées à la démolition.

Saint-Louis du Sud : Bilan provisoire des dégâts

Une autre commune du département du Sud rudement frappée par le séisme du 14 août s’appelle Saint Louis. Avec ses sections rurales, notamment, Zanglais, Saint Georges, Solon, Boisrond et Morisseau, cette agglomération a eu pas moins de 69 morts, en sus que les dommages sont énormes.

Pour Saint Louis proprement dit, on parle de plus de 35 morts et de nombreuses maisons détruites, soit au moins 768, en sus de 800 sérieusement endommagées, dont plus de la moitié est condamnée à la destruction. L’église de cette paroisse est mise à plat, de même que celle de la Mission évangélique baptiste du sud (MEBSH). Avec plus de la moitié des résidences démolies, les familles souhaitent avoir des tentes et des bâches pour éviter de passer la nuit à ciel ouvert.

La section rurale de Zanglais

Bien que plus proche d’Aquin, la section rurale de Zanglais dépend de la commune de Saint Louis. La taille de cette section rurale fait d’elle une des plus touchées du Grand Sud. Selon le rapport provisoire de la Protection civile, trois décès sont répertoriés et deux personnes portées disparues, 85 blessés graves et 215 moins graves. Ajoutées à tout cela, 212 maisons effondrées, plus de 815 à démolir et 10 réparables.

Saint Georges

Laissant Zanglais derrière soi, cheminant vers le sud, sur la Nationale Numéro 2, la communauté de Saint Georges est aussi fortement frappée. Si aucun décès n’y a été signalé, les dégâts matériels sont importants : 520 maisons effondrées, 219 à démolir et 15 autres réparables.

Morisseau

Toujours sur cet axe routier, en se dirigeant vers le sud, un seul décès est à signaler, 47 blessés graves et 68 moins graves, à Morisseau. Mais 816 résidences sont détruites, en sus de 467 à démolir, selon la Protection civile. Ici encore, le besoin de l’aide se fait terriblement sentir, notamment des tentes et des bâches et de la nourriture, ici et à toutes les autres communes et sections rurales, la communauté de Morisseau n’a pas les moyens d’héberger les personnes rendues sans abri par le séisme.

Boisrond

La section rurale de Boisrond est aussi sur la liste des lieux victimes du séisme du 14 août. Le bilan de la Protection civile établit provisoirement les dégâts suivants : Deux décès, 10 blessés graves et 34 mois graves, plus de 310 maisons effondrées, 123 à démolir et 60 réparables.

S’il est possible pour les autorités étatiques d’instruire les conditions dans lesquelles évoluent les communes et sections rurales se trouvant sur des routes nationales, ou encore même carrossables, d’autres éloignées à l’intérieur ou isolées par manque de communication sont obligées de patienter. Reste à savoir si les équipes d’évaluateurs de la Protection civile n’y arriveront jamais. C’est le cas pour les régions situées dans les hauteurs d’Aquin et de Saint Louis.

Des riverains de ces communes parlent d’éboulements qui auraient été déclenchés par le séisme, attirant l’attention sur des gens qui se seraient rendus dans les champs, mais qui sont portés disparus. De tels cas arrivent aussi à plusieurs autres endroits du Sud, de la Grand’Anse et des Nippes. Dans le département du Sud, ces accidents ont été constatés dans les hauteurs de Camp-Perrin, particulièrement la chaîne du pic Macaya, donnant lieu à des éboulements ayant occasionné des glissements de terrain monstres. Comme celui qui avait enseveli plusieurs personnes, dont deux enfants, qui ont été exhumés après plus de soixante-douze heures sous terre. C’est aussi ce phénomène qui altère la source qui alimente le Saut Mathurine et la Ravine du Sud, séchant quasi complètement ce cours d’eau et réduisant le débit de cette cascade, un précieux trésor du département du Sud.

Dans ce cas, un éboulement monstre s’était produit dans cette région, sur la route Cayes-Jérémie, appelée «Fanm Padra», qui, jadis, était composée d’un immense rocher surplombant «Trou Canari», mais qui a été nivelé, aplanissant admirablement la route. L’éboulement qu’a entraîné le séisme avait enterré des victimes dont on n’a plus entendu parler. Ce glissement de terrain, qui s’est étiré sur une longue distance, avait comme bloqué la circulation, après le pont sur la Rivière Glace. D’après des témoignages offerts par des té moins de cette zone, des rappels ont entraîné de nouveaux glissements de terrain ayant rendu prisonnier une camionnette dont le conducteur — peut-être un casse-cou — a eu la vie sauve, mais non l’enfant qui l’accompagnait. Ces éboulements, qui se produisent dans plusieurs régions des trois départements formant le Grand Sud, rendent l’action de la Protection civile difficile, sinon quasiment impossible. Ce qui fait croire que nombre de victimes du tremblement de terre ne seront pas, de sitôt, secourues.

Pourtant, dans les communes d’Aquin, de Saint-Louis, de Masseline et de Picot (commune de Camp-Perrin), Durcis, Chantal, Arniquet, Torbeck, Formon, etc., les victimes crient toutes au secours. Selon des in formations indépendantes, cet te même situation existe dans les communes et sections rurales encore plus loin, sur la côte sud, à Port-Salut, Roche-à-Bateau, Damassin, Port-à-Piment, Les Anglais, Tiburon, etc. C’est aussi le cas pour toutes les juridictions de la Grand’Anse et des Nippes.

Au secours des victimes des communes

Si d’une manière générale, les victimes de la plupart des communes des Cayes ont déjà reçu une forme quelconque d’aide, dans les zones éloignées, notamment dans les sections rurales, et encore, pire, au niveau des agglomérations plus éloignées, les populations sont aux abois. C’est le cas des personnes vivant en dehors d’Aquin, de Saint Louis du Sud, de Cavaillon et ses communes (Labiche, Bonne Fin Plaisance du Sud), et de toutes les sections rurales dépendant des communes des trois départements touchés.

En tout cas, les cris d’alarme sont lancés de manière récurrente sur les réseaux sociaux appelant à attirer l’attention des autorités sur la condition des résidents de la commune de Barradères, dans les Nippes, par exemple, où les victimes manquent de moyens pour se faire soigner. Le centre hospitalier de Barradères étant débordés par l’affluence de victimes qui y arrivent. Dans d’autres cas, faute d’installation hospitalière ou de clinique fonctionnant localement, les victimes se confient à des guérisseurs jouant le rôle d’orthopédistes, qui prennent en charge les personnes ayant des os brisés.

Aucun doute les victimes du séisme se trouvant dans les régions éloignées des communes, dans le Sud, la Grand’Anse et les Nippes risquent d’attendre, encore des jours, tout au moins, avant de commencer à jouir de l’aide qui s’accumule à Port-au-Prince. Surtout que, les gangs armés contrôlant le trafic, notamment, à la sortie sud de la capitale, de la Nationale Numéro 2 menant aux départements concernés, les autorités sont obligées de composer avec les bandits pour avoir l’autorisation pour que les convois transportant l’aide au Grand Sud puissent traverser Martissant sans encombre. L.J.


Cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur VOL. LI, No. 33 New York, édition du 1er septembre 2021, et se trouve en P. 1, 2, 12 à : h-o 1 septembre 2021