Échec du chancelier haïtien essayant de tromper l’opinion publique…. par Léo Joseph

LE KIDNAPPING EN PARTICULIER ET L’INSÉCURITÉ EN GÉNÉRAL DÉNONCÉS

  • Un journal dominicain tire la sonnette d’alarme
  • Échec du chancelier haïtien essayant de tromper l’opinion publique…. par Léo Joseph

Habitué à se rendre en mission visant à tromper l’opinion publique, quand le scandale de la situation sécuritaire et économique d’Haïti commence à éclater dans les milieux diplomatiques, mais aussi à l’étranger, Claude Joseph, ministre des Affaires étrangères et des Cultes, s’est rendu en mission de l’autre côté de la frontière. Son séjour d’une semaine, à Santo Domingo, s’est révélé un méga échec, n’ayant pas réussi à vendre l’image merveilleuse qu’il voulait faire miroiter à ses hôtes. Dans un article diffusé dans son édition du 7 décembre, le journal dominicain Listin Diario expose au grand jour la criminalité, en général, notamment le kidnapping, qui peuple le quotidien des Haïtiens. Là où le bât blesse, cet organe de presse met en évidence la situation que les journaux et radios haïtiens, tant au pays qu’en diaspora, n’ont jamais cessé de dénoncer, au cours des deux dernières années.

En effet, sous le titre « Haïti, un État en faillite en détérioration irréversible », le quotidien vend la mèche, par rapport à la crise sécuritaire dans laquelle est plongé le pays, une situation imputable à la nonchalance et à l’indifférence des autorités, laissant la situation pourrir, sans prendre des mesures appropriées pour redresser la barre. Le document prend le contre-pied des déclarations mensongères faites par le ministre des Affaires étrangères haïtien cherchant à tromper ses hôtes en c e qi concerne la réalité sécuritaire en Haïti.

Avant de vous faire lire le quotidien dominicain, il convient d’expliquer la mission de Claude Joseph, à Santo Domingo et le rôle qu’ont joué les 50 personnes qui l’accompagnaient.

Signalons aussi que des journalistes dominicains ont rapporté des mises au point de ce dernier selon lesquelles le ministre haïtien aurait exprimé un certain mécontentement à son homologue dominicain relatif aux affirmations peu louangeuses à l’égard d’Haïti véhiculées dans la presse dominicaine. Il semble que ces propos du chancelier haïtien aient été mal accueillis dans les milieux officiels dominicains.

Plus de 75 000 $ dépensés à Santo Domingo

Généralement, le chef de l’État se fait accompagner d’une délégation nombreuse quand il se rend en visite à Washington ou aux Nations Unies, à New York. Mais le nombre de personnes qui l’accompagnent dans ces deux villes américaines, le plus souvent ne dépasse pas une vingtaine. Voilà pourquoi d’aucuns disent que le ministre des Affaires étrangères d’Haïti a dirigé une «délégation de vacanciers à Santo Domingo ».

En tout cas, la facture du séjour des 50 membres de cette délégation, excluant le chancelier, s’est chiffrée à USD 75 000 $. Selon des sources haïtiennes se trouvant à la capitale dominicaine, la majorité de ces derniers n’a pas séjourné à l’hôtel, ayant préféré se faire héberger par des amis basés à la capitale du pays, histoire de réaliser « une petite économie ». D’aucuns diraient : « C’est de bonne guerre » ! En tout cas, dans la mesure où les personnes qui accompagnaient Claude Joseph à Santo Domingo n’avaient aucune mission bien précise à remplir, les opérations auxquelles elles se sont livrés ont un relent de corruption.

Pour le budget de USD 75 000 $, la performance du chancelier Joseph ne s’est pas révélée avantageuse pour le pays. Car il n’a signé qu’un seul accord; a eu deux rencontres avec des officiels du pays, en sus de 22 autres qui ont avorté.

Les deux rencontres que Claude Joseph a pu avoir ont été tenues avec son homologue dominicain, dont il n’a cessé de se féliciter de l’accueil reçu. Toutefois, il s’est gardé de piper mot concernant sa visite au président Luis Abinader. Les journalistes dominicains présents au Palais présidentiel, quand M. Joseph sortait de sa rencontre avec le chef d’État dominicain, ont fait savoir que le ministre haïtien est resté totalement indifférent aux questions à lui posées relatives à la teneur de son entretien avec M. Abinader.

Selon toute vraisemblance, le président dominicain aurait dit des choses non complimenteuses au visiteur haïtien.

Il faut signaler aussi que, contrairement à l’accoutumée, la liste de la délégation n’a pas été rendue publique, non plus l’identité des « journalistes » qui ont fait le déplacement avec lui. Il semble que, à moins de soixante jours que Jovenel Moïse doit mettre la clé du Palais national sous la porte, les amis des gros potentats du régime se hâtent de faire un petit argent.

La parole à Listin Diario

La crise profonde qui frappe Haïti a conduit à l’insécurité, au point que les fonctionnaires diplomatiques et consulaires ont été contraints de prendre des précautions afin d’éviter d’être victimes d’enlèvements, un acte criminel en vogue du fait que les autorités ne garantissent le fonctionnement d’aucun des services de base.

L’insécurité dans le pays voisin s’est compliquée depuis le départ de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haï ti (MINUSTAH), une situation devenue intenable, ces deux derniers mois, et qui a déterminé la plupart des missions diplomatiques à se mettre à décréter la vigilance et à disposer le moins possible de personnel dans les ambassades et consulats.

Alors que les autorités élues d’Haïti ont perdu le monopole de la force, un vide de pouvoir est créé que le crime organisé tente de combler, touchant même les banques.

Les institutions bancaires, établies à Port-au-Prince et dans d’autres grandes villes ont été contraintes d’interdire à leurs employés d’avoir leur téléphone portable sur leur personne aux heures de travail, car de nombreuses personnes ont été enlevées ou agressées au moment de quitter ces établissements.

L’insécurité affectant les opérations bancaires et les clients des banques s’étend à d’autres niveaux de complicité, car malgré les mesures adoptées par les dirigeants, les embuscades des clients se continuent, signifiant que les réseaux criminels se hiérarchisent à d’autres niveaux.

La prolifération des kidnappings, en Haïti, a été rapportée par l’agence de presse espagnole EFE, qui a souligné l’impuissance des autorités à faire face à ce phénomène, « se limitant à donner des conseils à la population pour éviter d’être kidnappée ». « Depuis au moins un mois, les images de personnes enlevées circulent quotidiennement sur les réseaux sociaux. Parmi eux, celui qui a causé le plus de peur au sein de la population est le cas d’une fille qui avait disparue, il y a plus d’une semaine et dont la vidéo, en uniforme scolaire, circulait en permanence sur les réseaux sociaux », rapporte l’EFE.

Une situation dangereuse

Les entretiens avec les habitants de Port-au-Prince et des environs ont permis d’établir le grand danger que constitue la situation, les familles pauvres devant envoyer leurs enfants à l’école ou au collège en se confiant uniquement à la prière.

Les secteurs de la classe moyenne dotés de moyens économiques ont décidé de s’installer en République dominicaine, soit en louant des maisons ou en faisant inscrire leurs enfants dans les écoles dominicaines.

Au cours de cette dernière semaine, 14 enlèvements ont été enregistrés dans la capitale haïtienne, y compris des étrangers, bien que le nombre de personnes kidnappées ne puisse être précisé, car ce pays est privé d’institution d’ordre public disposant de moyens de recueillir des informations de manière systématique.

Les gangs criminels ont été activés dans des circonstances particulières, puisque le mois de décembre est le mois où leurs membres sortent pour « faire la pêche ». Ce qui n’est pas difficile dans un pays où la Police est faible, et où ses propres membres ont déjà réalisé leur propre manifestation, ce qui laisse beaucoup à désirer.

Au lieu d’annoncer des mesures visant à contenir la vague de criminalité, le Premier ministre d’Haïti, Joseph Jouthe, après avoir exhorté la population à prendre soin d’elle-même et à rester vigilante, a publié un décret créant l’Agence nationale de renseignement (ANI), une décision qui est interprétée, dans le monde diplomatique, comme une mesure désespérée pour renverser la vapeur.

De l’avis de quelques experts et diplomates de carrière, qui connaissent la situation haïtienne, la création de l’Agence nationale de renseignement est une malheureuse surprise, car il était entendu que cet organe de compilation, de systématisation des informations et de suivi du crime organisé existait déjà.

Cette mesure, toutefois jugée timide, est perçue avec agacement, non seulement par les diplomates, mais par le grand public, accusant le gouvernement de se concentrer sur l’organisation des prochaines élections qui doivent se tenir à une date que le président lui-même ne parvient pas à définir. Le président haïtien dirige par décret depuis janvier, date à laquelle le mandat des législateurs a pris fin et les élections législatives ont été reportées. Son mandat se termine en février 2022.

[[De l’expéditeur ― À noter à l’encre forte, le mandat du « père de la nation » se termine irrémédiablement le 7 février 202, selon les exigences incontournables de l’article 134.2 de la Constitution de 1987 amendée]].

Les promesses électorales

L’aggravation du climat d’insécurité, qui sévit actuellement en Haïti, a été précédée de grandes mobilisations de masse protestant contre le gouvernement du président Jovenel Moïse qui, mal gré ces événements, est resté indemne, promettant des élections législatives et présidentielle sans préciser de date.

Le mécontentement populaire exprimé dans les rues, à coups l’incendie de propriétés privées, à Port-au-Prince et dans d’autres villes, a fait cinquante morts, et il a été suivi d’une manifestation particulière organisée, ces derniers mois, par la police elle-même, une institution appelée à préserver l’ordre public.

Aux enlèvements, en Haïti, s’ajoutent les assassinats sélectifs de personnalités, comme cela s’est produit, le 28 août, lorsque des inconnus ont tendu une embuscade au président du barreau de Port-au-Prince, Me Monferrier Dorval, un crime qui a choqué la nation, car c’était l’une des voix qui préconisaient une nouvelle Constitution.

La police haïtienne est incapable de contenir le crime organisé et le crime de droit commun, car une opération appelée Terminator 1 s’est révélée inefficace à arrêter les actions des gangs armés, qui opèrent dans les quartiers les plus populaires de Port-au-Prince, dont les rues, les commerces et les restaurants la nuit semblent déserts. « La nuit, aucun diplomate ou étranger qui vit dans cette ville ne doit sortir, à la recherche de quoi que ce soit, au risque d’être assassiné ou kidnappé », a commenté une source liée au Parlement haïtien.

Les voyages par terre, de Santo Domingo à Port-au-Prince, ou de toute autre ville haïtienne vers cette capitale ont été réduits, car l’agression des occupants des véhicules est désormais chose courante.

Conséquences de l’État en faillite

Si la majorité du Corps diplomatique basé en Haïti a été prudent en qualifiant la situation d’État dysfonctionnel, les opinions ne sont plus des secrets d’alcôve ou ne se limitent pas aux rapports confidentiels officiels des ambassadeurs et consuls.

Un État en faillite est celui rendu incapable de garantir son propre fonctionnement, notamment les services de base qu’il doit fournir à la population.

Une État en faillite est une expression, qui est entrée dans le langage politique et diplomatique, au cours des dernières que, au cours des dernières décennies, à la suite des convulsions, en Somalie, en Libye, au Sou dan, au Yémen, au Congo, en Éthiopie, en Irak et au Zimbabwe, où les autorités perdent le monopole de la force, la légitimité et où il y a des conflits entre institutions, comme cela se produit, depuis des années, dans le pays voisin dont la Constitution établit deux pouvoirs : la présidence et la Primature.

La crise institutionnelle profonde a commencé à s’aggraver depuis que les forces de stabilisation dirigées par les Nations Unies ont décidé d’éliminer l’une des rares institutions qui fonctionnaient : les Forces armées.

« Le chien est mort » … Poussée par la violence et les exactions perpétrées par les Forces armées et les soi-disant Tontons Macoute, la communauté internationale a appliqué le dicton selon lequel « Le chien est mort, la rage est finie » en passant la responsabilité à l’Armée, à la Marine et à la Police haïtienne.

En dépit de ses treize années passées sur le sol haïtien, la force militaire commandée par les Nations Unies (ONU) n’a servi qu’à consommer que 7,3 milliards de dollars, à l’époque, qui ont été utilisés par les entrepreneurs et les fournisseurs, bien souvent avec des parrains puissants.

En réalité, après leur départ d’Haïti, les Casques bleus n’ont rempli aucune mission susceptible de laisser un héritage dans ce territoire insulaire, à l’exception des enfants de soldats qui ont été procréés avec des femmes haïtiennes appelées « Ti-Minustah », des bébés abandonnés et que certains des pays d’origine de ces soldats ont assumé la responsabilité de la paternité.

Ce nouveau théâtre dans cet État en faillite ne cesse de représenter une menace pour son voisin le plus proche, dont le président, Luis Abinader, a déclaré que la République dominicaine ne pouvait pas supporter ce problème.

Article publié dans Listin Diario, édition du 7 décembre 2020.


Cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, Édition du 9 décembre 2020, VOL. L No. 48 NYC USA et se trouve en P. 1, 3, 5 à : http://haiti-observateur.info/wp-content/uploads/2020/12/H-O-9-dec-2020.pdf