Inculpé, Gregory Georges transféré à Miami par Léo Joseph

L’AFFAIRE « BATEAU SUCRÉ » REBONDIT EN FLORIDE

  • Inculpé, Gregory Georges transféré à Miami par Léo Joseph
  • Un précieux cargo pour la justice américaine…

Longtemps dans les limbes, dans les tribunaux haïtiens, avant de s’évanouir dans l’incertitude, l’affaire « Bateau sucré » de Marc Antoine Acra vient de rebondir à la Cour fédérale de Miami. Inculpé par la justice américaine pour avoir tenté délibérément d’exporter des stupéfiants aux États-Unis, Gregory Georges, connu sur tout sous le sobriquet de «TiKétant», a été transféré à Mia mi, le week-end dernier. Il a été inculpé formellement, lundi (6 mai). Les premiers rapports relatifs à son dossier ont indiqué que les autorités fédérales lui auraient fait des promesses alléchantes, allant jusqu’à lui offrir la résidence aux États-Unis, en contrepartie de ses révélations sur le trafic de stupéfiants en général en Haïti.

Plus d’une douzaine de personnes avaient été arrêtées, en avril 2015, y compris l’équipage du Manzanares, le bateau panaméen qui transportait quelque 700 tonnes de sucre pour la firme NABATCO, propriété du groupa Acra, dont Marc Antoine Acra est le président directeur général. Au cours du débarquement de la cargaison de sucre, les dockers, qui avaient entamé le déchargement, ont découvert des sachets de cocaïne et d’héroïnes dissimulés dans les parois intérieures du vaisseau, soit, au total, plus de 700 kilogrammes de cocaïne et d’héroïne. Mis au courant de la situation, le temps qu’il a pris pour les agents de la Brigade de lutte contre les stupéfiants (BLTS) d’arriver sur les lieux, les gens qui savaient que le bateau transportait aussi ce cargo interdit, en sus du sucre, s’étaient dirigés vers le Terminal Varreux, le port où le Manzanares avait jeté l’ancre. S’agglutinant sur le bateau, ils avaient eu le temps d’enlever une bonne partie des drogues avant l’arrivée des policiers accompagnés d’agents de la Drug Enforcement Administration (DEA).

Haïti-Observateur était, initialement, le premier organe de presse à faire état de ce débarquement de la drogue au Terminal Varreux, tout en indiquant que la marchandise (sucre et drogue) avait été embarquée au port Buenaventura, en Colombie, à bord du Manzanares. Celui-ci avait mis le cap sur Panama où il fit escale, dans le but de dérouter toute tentative de suivre les mouvements du vaisseau. Selon des informations de sources concordantes, auprès du DEA et de la BLTS, le bateau panaméen était placé sous surveillance, d’un bout à l’autre de son voyage.

Les plus de douze personnes qui avaient été emprisonnées, dans le cadre de cette affaire, furent mis en liberté, sauf TiKétant. Il était resté incarcéré jusqu’au jour de son transfert à Miami. Avec son transfert à Miami, où il va étaler tous les secrets au grand jour concernant le rôle joué par différents acteurs, on comprend mieux pourquoi il n’avait pu être libéré. Sachant, dès le début, que Gregory Georges était disposé à tout raconter, les autorités américaines avaient tout fait pour le garder en prison en Haïti, «sous haute protection». En attendant l’aboutissement des négociations relatives à son expulsion d’Haïti.

Des promesses alléchantes faites à Ti-Kétant

Bien qu’officiellement il soit sous le coup d’une inculpation fédérale pour trafic de stupéfiants, TiKétant n’est pas logé à la même enseigne que Guy Philippe. Cet accusé se trouve sous protection fédérale, son inculpation constitue un stratagème pour le faire aboutir aux États-Unis en vue de faciliter son interrogation « en toute sécurité».

En effet, les autorités fédérales n’ignorent pas le danger auquel Gregory Geroges pourrait s’exposer s’il devait retourner en Haïti après qu’il eut fait les révélations qu’on attend de lui. C’est pour quoi, apprend-on de sources autorisées, il a été décidé de lui accorder le droit de résider légalement aux États-Unis.

Suite à ses discussions avec les autorités fédérales, il semble que M. Georges ait renoncé à se faire représenter par un avocat engagé anonymement par quelqu’un en Haïti. Selon des sources proches du dossier, l’homme d’affaires anonyme, qui a engagé cet avocat, voulait inciter l’intéressé à « plaider non coupable », une façon de faire traîner le cas en longueur, sans se soucier de combien de temps Georges aurait passé en prison, en attendant les différentes tournures qu’aurait prises l’affaire.

Il y a des pleurs et des grincements de dents

La cargaison de stupéfiants transportée par le « Bateau sucré » d’Acra est la plus importante que des trafiquants de drogue n’aient jamais importée en Haïti, même à l’âge d’or de ce commerce illicite avec Jacques Beaudouin Kétant et son frère Hector, sous le régime Aristide dénoncé par celui-là comme étant le patron du trafic de stupéfiants.

En effet, les autorités américaines ont évalué cette cargaison à environ USD 100 millions $ sur le marché international. Celles-ci pensent qu’un consortium d’hommes d’affaires a été créé en vue de financer ce volume de marchandises. Trafiquant patenté, Ti-Kétant connaît tous les acteurs qui contribuent à rendre le trafic de drogue florissant en Haïti. Dès lors, tous ceux qui se sentent concernés par les révélations de ce dernier ne savent à quel saint se vouer. D’ores et déjà, certains observateurs disent qu’il y a des pleurs et des grincements de dents. Cette fois, dans le monde des nantis.

Généralement, en Haïti, ce sont les trafiquants d’une certaine classe sociale qui font les frais de la politique antidrogue du gouvernement. Car leurs alliés de la bourgeoisie, qui s’enrichissent dans ce commerce, ne sont jamais inquiétés. Ils savent comment s’y prendre pour s’éloigner les rigueurs de la justice haïtienne; ou, au besoin, qui soudoyer en vue de sortir d’un mauvais pas.

Avec Ti-Kétant entièrement à la disposition de la Justice américaine, la donne sur le trafic de drogue change. Puisqu’il y a une longue liste de questions auxquelles il sera en mesure de donner les réponses aux agents et procureurs fédéraux chargés de l’interroger.

Certes, un trafiquant bien connu de la place, qui fait partie d’un réseau de trafiquants expérimenté et jouissant d’une grande influence au niveau de la pègre, Ti-Kétant est capable de dénoncer de nombreux acteurs. Docker attitré au Terminal Varreux ayant participé au déchargement du Manzanares, avant l’arrivée des policiers, il est en mesure de mettre la DEA sur la piste de tout ce monde qui avait eu le temps de « tirer leurs marrons du feu ».

Sans l’ombre d’un doute, il pourra identifier tous ceux-là qui étaient présents au Terminal Varreux et qui ont enlevé leurs parts du butin pour les mettre « en lieux sûrs ». Surtout que, même avant son transfert à Miami, TiKétant commençait déjà à faire des révélations aux agents fédéraux. Par exemple, il disait clairement que, des jours avant l’arrivée du Manzanares, les conversations allaient bon train autour de la cargaison de cocaïne et les moyens à entreprendre en vue d’enlever rapidement la portion illicite des marchandises à bord.

Dans les milieux proches des procureurs fédéraux, à Miami, on ne cesse de répéter que Ti-Kétant est considéré comme le « plus grand atout» jamais mis à la disposition des autorités fédérales, dans le cadre de la lutte contre le trafic de drogue en Haïti. C’est pourquoi des observateurs pensent que prochainement sera annoncée une liste exhaustive de personnes impliquées dans l’affaire du « Bateau sucré» et dans d’autres dossiers de drogues, au cours des ans.


cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, édition du 8 mais 2019 et se trouve en P.1, 2  à : http://haiti-observateur.info/wp-content/uploads/2019/05/H-O-8-mai-2019.pdf