Le Pays de mon Âme n’est pas celui de mes Amours

LITTÉRATURE INTERDITE par Daniel Milord Albertini

  • Le Pays de mon Âme n’est pas celui de mes Amours

Oncle Paul est de petite taille, il s’appelait donc tipaul. Comme son frère Abel, tiabel. Il partageait plus que de la fratrie avec tiabel, mais des histoires. Une histoire insolite. Sexe sans confidence. Quand il parla de tiabel le frère de Zizi, il les voyait plus petits que lui de taille, lui-même de mensuration plus grande que tiabel. Mieux, il est un fils légitime. Ce n’était pas sans conséquence, il a eu en outre, Rita la femme de tiabel en tête, en réalité la puissante hanche. Il ne fallait néanmoins pas l’appeler tipaul, c’est une insulte. Maitre Paul, oui, il est enseignant pédagogue surtout fils de juge, diplômé d’études supérieures à Mexico DF. Ses amis laissés au pays, le voyaient sur ce piédestal à son retour. Rita aussi.

Sévigné son père qui a marié la grande sœur qui quand à sa mort, papa Laleman lui a donné sa plus jeune bru. Clorindre. Si tipaul est le neveu de la sœur aînée cousin de la fille de celle-ci, en même temps le demi-frère puisque son père est le père d’Eugénie la fille de la grande sœur de Clorindre, il se voulait le privilégié. Eugénie de ses petits seins, on l’appela tibouboute. Histoire héritée au pays du p’tit nom, c’est la guerre au sein de ce monde divisé en clan de teinte. Les accusations vont bon gré, la bastonnade en foi de quoi à Grand-Goâve (Grand Port), près de Petit-Goâve (Petit Port).

L’histoire se passe à Grand-Goâve, au pays de Toufiq Sassine, l’oncle de Jean Sassine lié par la camaraderie de banc d’école à tipaul, mais aussi par sa femme, cousine de tipaul doublée de nièce, la fille du docteur Férus qui lui-même était de Petit-Goâve. Andrée est aussi tiandrée dans ce monde décrit. Marie sa sœur aînée n’a pas de p’tit nom. Marie tout court, le père Dr. Férus s’appelait Maurice, le plus jeune de la famille est timaurice, car il est Maurice aussi. Tous connaissaient le caractère hilarant de Jean Sassine le consul en terre étrangère, qui de ses visites de famille chez l’oncle Toufiq, faisait voir toute la gamme et de toutes les couleurs aux servantes. Au grand plaisir de Toufiq vivement rendu sourd le voyait de ses envolées littéraires créoles à la bonne. Par exemple, Jean interpelle la jeune servante : ki jan w rele ? La fille : Viergina. Jean lui dit allègrement : rantre la mwen shanje non w! Toufiq rit de la mimique certes, il n’entend pas. Mais, tipaul.

C’est ainsi, tipaul, le bel air du courailleur en même temps mauvais caractère hérité de la cécité qui l’a atteint de force par l’opération qui a pourtant lieu à Port-de-Paix, par des experts américains. Le Dr. blanc a opéré la chirurgie sur l’autre œil qui était hélas sain, dit-on afin de le sauver du glaucome. L’intervention chirurgicale est la tragédie qui va détruire, donc il entrevoyait de l’œil du glaucome, et ne voyait rien du bon œil. De là, dans ce pays où tout était vu de mauvais œil, pour tipaul aveugle aussi.

La guerre familiale livra donc moult visages dans les circonstances, le voisinage en était témoin. Le clan Sévigné (juge décédé) suspectait le clan Fénix (frère convoiteur). La veuve du juge, Clorindre subissait les assauts répétés de tibouboute la nièce belle-fille, la fille de la défunte sœur aînée. La fratrie, surtout tipaul aveugle jetait sa verve sur tibouboute pour défendre leur mère. Le drame tant attendu arriva, tiabel infligea toute une bastonnade à tipaul à cause de ses avances à Rita sa femme. La scène, tipaul prétendit la coulante pour attirer Rita en lui clamant de lui apporte du thé : Rita pote thé Rita pote thé, tandis que tiabel revenant des champs arriva à partir de te thé po Rita tete po Rita. Ici la guerre prit autre tournure du verbe en la chasse, la bastonnade d’un aveugle par son frère d’une autre mère que la grande sœur de Clorindre. Tout Grand-Goâve en parla jusqu’à Petit-Goâve quand d’un matin d’école, un camion de transport débarqua l’oncle Paul comme rentrant de guerre, avec blessures et douleurs musculaires, lombaires aussi. Alors, tipaul rentra de vacances sans gré au bercail.

Lambert Saint-Juste est l’ami de tipaul, et la seule personne du cartier à qui il accorde ce droit. L’appeler tipaul par mètlambè (Lambert), professeur au même titre. De taille plus grande en plus. Quand mètlambè passe il côtoie le long mur sur la partie solide du canal de la propriété, son journal sous le bras. C’est pour aller siffler les poulettes du pays voisin. Chaque quartier est un pays. Il criait «tipaul». Oncle Paul lui répond : «adios», parce qu’il avait étudié la pédagogie à Mexico, il est membre de l’UNESCO aussi pour ce que je retenais de lectures afin d’avoir droit au diapositif qui dévoilaient des photos de femmes en bikini avec lui [el dessarollo de la comunidad en América latina. C’est l’histoire réelle d’où le nom de tipaul adios que lui ont donné les gens du quartier, allègrement. Une relation qui concernait aussi De Moya l’épicier, Denisé le mari battu de sa femme tikott, Rudy Cameau le nègrouj, boss Sénèque le frère de miss (Célestin) aux aiguilles de seringue assassineuses de fesses, ti Raymond nwa, madan Lami la mambo, madan Antonio la shòshè, boss Élie le mécanicien de la HASCO, et tenancier du bazar voisin de l’épicerie du Mont-Carmel de De Moya, pèdezi le voisin au grand drapeau.


Cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur VOL. LI, No. 34 New York, édition du 8 septembre 2021, et se trouve en P. 12 à : h-o 8 sept 2021