Encore absent au rendez-vous présidentiel, Jovenel Moïse n’assume plus aucun pouvoir !

Encore absent au rendez-vous présidentiel, Jovenel Moïse n’assume plus aucun pouvoir !

  • EDITORIAL par Editor

Le peuple haïtien, par l’entremise de la mobilisation pour exiger la démission «immédiate et sans condition» de Jovenel Moïse, l’a destitué de la présidence. Cette proclamation vient de s’entériner dans les faits par ce dernier lui-même, ayant manqué à un des rendez-vous sacrés dans le cadre de la fonction qu’il occupe. Deux fois, coup sur coup, il est porté manquant à deux cérémonies nationales et officielles au menu des responsabilités du chef d’État. Un manquement au devoir flagrant, l’équivalant d’un soldat abandonnant son poste.

En effet, ce lundi, 18 novembre, date commémorative de la bataille de Vertières, l’événement qui marque l’Indépendance de la République d’Haïti, il a brillé par son absence à ce lieu sacré. Soit un mois après avoir raté le pèlerinage présidentiel traditionnel à Marchand-Dessalines, dans le département de l’Artibonite, le 17 octobre, date anniversaire de la mort de l’empereur Jean-Jacques Dessalines, le libérateur d’Haïti et fondateur de la nation haïtienne. Jamais, auparavant, un président logé au Palais national n’avait raté de telles cérémonies. Les conditions dans lesquelles, s’est déroulée cette «commémoration abrégée» de l’épopée de 1803, organisée au Pa- lais national, suivie du dépôt d’une gerbe de fleurs, au Musée du Panthéon national (MUPANAH), donnent toute la mesure du dilemme de Jovenel Moïse.

Conspué par la nation, qui l’a déclaré «dépouillé totalement» de ses pouvoirs présidentiels, il devrait se rendre compte à quel point le vide se fait autour de lui. S’il persiste à refuser de donner sa démission, en dépit de la mobilisation des citoyens descendus dans la rue par millions pour exiger son départ du pouvoir, il faut croire qu’il a perdu le sens de la raison.

Certes, au MUPANAH, les personnalités de marque présentes normalement à cette festivité étaient absentes. Les présidents des deux Chambres législatives, Carl Murat Cantave et Gary Bodeau, de même que les juges de la Cour de Cassation, ont boudé l’invitation. Le CORE Group, qui insiste pour que l’opposition plurielle entre en dialogue avec le président Moïse, en vue de trouver une solution haïtienne à la crise, n’a pas daigné faire acte de présence non plus. Même Martine Moïse, la première dame, toujours debout à côté de son mari, à l’occasion de ces cérémonies officielles, a fait coïncider son séjour à l’étranger avec cette date.

Visiblement, le président répudié a le comportement d’un homme esseulé, d’un homme d’État qui voit le vide se faire autour de lui. La gerbe de fleur qu’il a déposée au MUPANAH est celle de la honte, celle qu’a placée un lâche qui n’a pas eu le courage de se rendre sur les lieux où a été couronnée la lutte de la victoire sacrée de l’indépendance ayant scellé à jamais la liberté de tous les Haïtiens, l’abolition de l’esclavage par et pour les Haïtiens, mais encore pour le monde entier. En se réfugiant au MUPANAH, Jovenel Moïse banalise à la fois la bravoure et l’héroïsme de nos héros, laissant le champ libre à un leader non élu, l’ex-sénateur Moïse Jean-Charles, qui s’est cru alors autorisé à occuper la scène et l’espace, en l’absence d’un président mal élu, répudié par le peuple, mais qui persiste pourtant à vouloir s’accrocher au pouvoir sans aucune légitimité.

Absent à Vertières, Jovenel Moïse a comme laissé le pouvoir dans la rue. Aussi Moïse Jean-Charles a-t-il cru qu’il était de bonne guerre de jouer le rôle du maître du terrain, en lieu et place de celui qui a fui devant le peuple aguerri, confirmant ainsi sa défaite face à ce dernier. Voilà confirmée sa destitution souverainement déclarée par ce dernier.

À la cérémonie, au Palais national, après le dépôt de la gerbe de fleurs, la sentence populaire a été visiblement constatée. Car seuls les ministres, secrétaires d’État, directeurs généraux et des membres de l’administration publique, les hauts gradés de la PNH, notamment le di- recteur général de l’institution policière, Normil Rameau, et le chef d’état-major «à vie» de l’Armée remobilisée, Jodel Lessage, étaient présents. Dans un discours incohérent, M. Moïse a répété, sans conviction, les idées mille fois répétées. Une fois encore, il promet : un gouvernement d’union nationale assorti d’une feuille de route où s’inscrit un train de réformes. En plein dans l’incohérence, il propose aux forces vives du pays, qui sont mobilisées contre lui, notamment les Églises catholique et protestante, les vaudouisants, la société civile, les étudiants, les artistes, etc. d’«élever leur voix pour réclamer la paix».

Inspirateur des crimes perpétrés contre les familles des quartiers défavorisés de Port-au-Prince et massacreur des manifestants mobilisés contre lui, Jovenel Moïse a eu le toupet de dire que «mon gouvernement ne répondra pas parla violence, face à la violence qui s’abat sur le pays». Bientôt un an depuis le massacre de La Saline, en novembre 2018, où plus de 70 personnes ont été sommairement exécutées, dont des femmes et des enfants à bas âge, il a, finalement, évoqué ce crime d’État. Aussi a-t-il demandé au ministre de la Justice d’en faire le suivi. On con- naît déjà où cette déclaration va mener.

Oubliant qu’il est la cause de la division et du déchirement qui caractérisent le pays, il invite l’opposition «à suivre l’exemple de nos aïeux qui ont réalisé 1804 dans l’unité», à Vertières. S’il a récolté quelques applaudissements d’un public complaisant réuni au Palais national, ses paroles ressassées n’ont aucun effet sur le public. À entendre ses derniers propos et la manière dont s’est déroulée la version 2019 de l’anniversaire de la bataille de Vertières, le peuple haïtien se félicite d’avoir proclamé la fin du mandat de Jovenel Moïse.

Poursuivant la mobilisation pour exiger son départ du pouvoir, les manifestants étaient encore dans la rue, à la capitale et dans les villes de province, en guise de réponse à son discours du 18 novembre. Puisque, absent de Vertières, Jovenel Moïse ne fait que confirmer la fin de son quinquennat, tel que l’a proclamé le peuple haïtien


cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur édition du 20 novembre 2019 Vol. XXXXIX No.45, et se trouve en P. 10 à : http://haiti-observateur.info/wp-content/uploads/2019/11/H-O-20-novem-2019.pdf