Faut-il exhumer René Préval pour explique le rôle de sa veuve dans cette affaire ?

LA GUERRE DÉCLARÉE ENTRE JOVENEL MOÏSE ET SOGENER

  • Gros scandale en passe d’éclater… par Léo Joseph
  • Faut-il exhumer René Préval pour explique le rôle de sa veuve dans cette affaire ?

En s’attaquant à la Sogener, dans un esprit de vengeance, par rapport à la mobilisation déclenchée contre lui, Jovenel Moïse est allé trop vite en besogne. À l’instar de Bouki, en compétition avec Malis, deux personnages de la légende haïtienne, tirant de la mer cette corde dont il ignorait ce qui se trouvait à son bout, il agite cette action en justice contre la société des Vorbe, sans même se donner la peine d’en connaître ses tournants et aboutissants. Ce procès lancé, il risque d’exposer des secrets ayant toutes les chances d’éclabousser des anciens dirigeants, voire même le potentiel d’appeler à s’expliquer la veuve de René Préval, peut-être même à évoquer son témoignage d’outre-tombe. En guerre contre Dimitri Vorbe, favorable au départ du président décrié, celui-ci estime de bon droit d’user de représailles contre la maison Vorbe. Excepté que c’est la même stratégie qu’il met en place également contre les religieux et religieuses, en éliminant les privilèges de franchise douanière dont ils jouissaient régulièrement de bon droit. Avant même d’entrer dans les détails, les faits donnent raison à Danton Léger, ancien commissaire du gouvernement de Port-au-Prince, un des avocats de Sogener. Dans une interview accordée à un organe de presse en ligne, M. Léger dénonce ce qu’il qualifie de «persécution politique» contre la Sogener.

Il y a fort à parier que les avocats appelés à piloter ce cas se frottent les mains de satisfaction qu’ils vont toucher des honoraires intéressants. Mais il est tout aussi certain que Jovenel Moïse sera forcé, lui aussi, de rendre des comptes pour le rôle joué par la présidence dans ce dossier. Depuis René Préval, le signataire de ce contrat léonin, suivi de Michel Martelly, jusqu’à Jovenel Moïse, en passant par Jocelerme Privert. C’est peut-être ce qu’a déjà constaté un des avocats de l’État, Me Newton Saint-Juste, qui commençait déjà à attirer sur lui l’attention des critiques pour s’être laissé engager par un pouvoir corrompu jusqu’à la moelle, dont l’unique objectif dans ce procès consiste à éloigner l’opinion publique du dossier PetroCaraibe. Mais, d’ores et déjà, des voix s’élèvent pour demander de ne pas jeter des pierres à Me Saint-Juste, mais qu’il vaut mieux attendre et d’observer sa manière de gérer l’affaire avant de diriger des récriminations contre lui.

900 000 $/mois pour la présidence ?

Avant même d’envoyer l’acte d’assignation à Sogener, Me Saint-Juste a dénoncé l’existence d’un scandale qui se dégagerait du contrat signé entre l’Électricité d’Haïti (EdH) et la Sogener se rapportant à une somme de USD 900 000 mensuellement réservée pour la présidence.

Le document a été paraphé sous l’administration Préval, alors que sa future femme, Élizabeth Debrosse, était membre du Conseil d’administration de Sogener. Il semble qu’elle détienne encore cette position.

Abordant la question de la somme attribuée à la présidence, durant toute la vie du contrat, Me Saint-Juste a affirmé que la question relative à la légitimité de cette somme, qui prend l’allure d’une «ristourne» versée au président Préval, dont on ne cessait de répéter qu’il avait les mains pures, en ce qui a trait à la corruption.

Pour Newton Saint-Juste, Mme Delatour Debrosse Préval devrait expliquer l’origine des USD900 000$, et à quelles fins cette somme était mise à côté pour la présidence. Si l’argent est réellement destiné à la présidence, les successeurs de René Préval devraient aussi en bénéficier. D’où l’obligation de demander des comptes aussi à Michel Martelly, à Jocelerme Privert et aussi, bien sûr, à Jovenel Moïse.

On serait aussi tenté de croire que, en tant que membre du Conseil d’administration de la Sogener, Élizabeth Debrosse Delatour Préval devait avoir un rôle capital à jouer dans les négociations ayant abouti à l’octroi de cette somme d’argent à la présidence. Assurément, le contrat signé entre la Sogener et l’Électricité d’Haïti portant sur la fourniture du courant électrique à cette entreprise d’État, va susciter un débat très animé dans l’opinion publique.

Persécution politique, crie Danton Léger

Quant à Me Danton Léger, il attire l’attention sur le caractère politique de l’accusation portée contre ses clients, indiquant qu’il n’ira pas de main morte, dans la gestion de l’affaire. Cette position indiquée par l’homme de droit est accréditée dans la plupart des milieux politiques assimilés à l’opposition à Jovenel Moïse.

En effet, dans une interview accordée à l’organe de presse en ligne Juno 7, Me Léger a lâché : «Nous crions à la persécution poli- tique pour la simple et bonne raison que toutes les démarches entreprises par Jovenel Moïse et son équipe ne visent qu’à satis- faire son égo. Ils veulent persécuter Dimitri Vorbe ainsi que les autres responsables de la compagnie». Selon M. Léger, tout cela entre dans le cadre d’une stratégie de M. Moïse visant à fermer la compagnie des Vorbe. Et Danton Léger d’expliquer que cette affaire n’est autre qu’une sorte de vengeance contre ses clients. Plus loin, il explique en disant que le président haïtien en veut à Dimitri Vorbe parce que ses amis artistes, notamment Don Kato et Izolan, se sont prononcés pour son départ. Pour lui, «Le président a fait le serment de fermer la Sogener».

Plus loin, l’homme de loi dénonce ce qu’il croit être les communications «sans force», qui ont été envoyées à ses clients. Aussi, précise-t-il en ces termes : «Ce sont des sommations qui ont pour corollaire l’air, le vide et le vent».

En ce qui concerne l’accusation proprement dite portée contre la Sogener, Me Léger la repousse catégoriquement. Aussi, précise-t-il, en répondant aux questions de Juno 7 : «En aucun cas, ils ne peuvent parler de surfacturation, dans le cadre de l’exécution du contrat passé en 2006 entre l’État haïtien et la Sogener».

Et Me Léger d’expliquer encore plus loin : «Il n’y a pas une seule petite facture soumise par la Sogener après la production des kilo-heure d’électricité qui ne soit pas passée au peigne fin, au crible par l’EdH. D’ailleurs, même dans le cas d’appareils à partir desquels la Sogener produit de l’électricité, l’EdH en dispose de plus sophistiqués pour qu’elle puisse vérifier nos chiffres (…)».

Danton Léger dit savoir où va aboutir ce dossier. Il explique en ces termes. Me Jacques Lafontant, un des avocats engagés parle gouvernement Moïse, qui est aussi commissaire du gouvernement, «peut donner trois traitements à ce dossier. Il peut le classer sans suite, ou saisir le cabinet d’instruction. Il peut aussi saisir le correctionnel. Il ne peut choisir le correctionnel, car il ne s’agit pas d’un délit. Je crois qu’il choisira le premier et classera le dossier sans suite».

Il est tout de même curieux de constater comment Jovenel  Moïse s’est jeté tête baissée dans un dossier politique, subjectif, privé de tout aspect technique, selon le constat de M. Léger. Il est encore plus curieux de voir comment il fait tout pour s’éloigner de lui l’affaire PetroCaribe, qui a été pourtant l’objet d’une enquête approfondie par la Commission éthique et anti-corruption du Sénat (rapports Latortue et Beauplan). Puis d’un rapport bien fouillé de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CS/CA). La duplicité de Moïse saute aux yeux.

Indubitablement, cette affaire va soulever des questions pertinentes que la veuve de Préval devra répondre, dans le cadre d’un procès. Le peuple haïtien doit savoir si le défunt chef d’État avait été partie d’une conspiration visant à escroquer l’État. Puisqu’il y a fort à parier que les USD 900 000/mois réservés pour la présidence, soit USD 10,8 millions $ l’an rapporte davantage que les appointements du chef de l’État. Dans la mesure où cette somme d’argent est versée régulièrement au compte de la présidence, on peut imaginer combien cela rapporte pour les différents quinquennats qui ont été bouclés depuis la signature du document. L.J.


cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur édition du 13 novembre 2019 Vol. XXXXIX No.44, et se trouve en P. 1, 9, 14 à : http://haiti-observateur.info/wp-content/uploads/2019/11/H-O-13-novemb-2019.pdf