Le CEP illégal et inconstitutionnel de Jovenel Moïse destitué par Léo Joseph

Le CEP illégal et inconstitutionnel de Jovenel Moïse destitué par Léo Joseph

  • UN BRAS DE FER S’ANNONCE, MAIS QUI LE SOUTIENDRA ?

Pris à partie dès sa création par la plupart des secteurs politiques et de la société civile, et dénoncé presque en permanence dans la presse, le Conseil électoral provisoire (CEP), qui prétendait organiser des élections générales, à la fin de cette année, a été destitué. Un arrêté signé par le Premier ministre de facto, Dr Ariel Henry en date du 27 septembre, entérine la décision. Il semble que cette mesure ne fasse pas l’unanimité eu sein de l’institution électorale mal créée, une note de presse émanant de l’ex-vice- présidente de l’ancien CEP déclare n’être pas « concernés » par cet arrêté.

La mise en disponibilité des membres du CEP croupion, une mesure que nombre de citoyens attendaient impatiemment, a été accueillie avec satisfaction, dans les milieux démocratiques, en Haïti. Le décret du 27 septembre stipulant que par cette décision du Premier ministre de facto, les membres du CEP « sont libérés de tous liens avec l’administration publique ».

Par cet arrêté, Ariel Henry révoque celui du 18 novembre 2020 ayant nommé, par le président de facto défunt, Jovenel Moïse, les neuf membres de l’organisme électoral qui n’a jamais prêté serment par-devant la Cour de cassation, selon le vœu de la Constitution en vigueur.

Bras de fer ou manifestation de bravoure sans action ?

Ce qui prend l’allure d’un bras de fer avec le Premier ministre de facto, dont l’arrêté du 27 septembre mettant en disponibilité les membres du CEP Dermalog, a suscité l’opposition de certains membres de celui-ci, reste à se manifester concrètement. S’agit-il d’un vrai bras de fer entre l’organisme électoral écarté et le Premier ministre de facto ou bien une manifestation de bravoure sans action lancée par des ex-conseillers déjà nostalgiques de paiements de chèques interrompus. Car l’esprit de ce même arrêté mettant fin au service du CEP prévoit, du même coup, l’arrêt des décaissements dont bénéficiaient Guylande Mésadieu, ex-présidente, et Espérencia César, ancienne vice-présidente, ainsi que les sept autres membres de cette institution restée illégal et anticonstitutionnelle jusqu’à sa destitution, par arrêté de la primature, arrêté qui date du 27 septembre et publié dans le journal officiel Le Moniteur.

Réagissant à ce document, l’ex-vice-présidente du CEP déchu, Espérencia César a, de son côté, émis une note de presse ainsi libellée : « (…) le prétendu arrêté pris par le sieur Ariel Henry, Premier ministre par intérim ne nous concerne pas puisque au regard de la loi cet arrêté est en violation flagrante de :

« 1 – L’arrêté du 14 septembre 2020 nommant les membres dudit conseil qui est présidentiel et qui ne doit être révoqué que par un autre présidentiel.

« 2 L’arrêté du 05 juillet 2021, de nomination du Premier ministre par intérim Ariel Henry qui au terme de ses prescrits, lui fait injonction d’accompagner le Conseil électoral provisoire dans l’accomplissement du processus électoral ».

À noter que la Rédaction de l’organe de presse en ligne Gazette Haïti, qui fait état de cette situation, a déclaré avoir contacté Guylande Mésadieu qui affirme que « la note signée par sa vice-présidente ne l’engage nullement ».

Toutefois, jointe par un autre organe de presse en ligne, cette même Guylande Mésadieu se déclare « solidaire » de sa vice-présidente.

Il faut se rappeler que la destitution du CEP Dermalog n’est pas la première mesure de mise en disponibilité prise par le Dr Henry. Il avait antérieurement révoqué Rénald Lubérice, secrétaire général du Conseil des ministres, un joveneliste convaincu, qui s’est enrichi sous le gouvernement du président de facto défunt. La même mesure a été prise, à l’encontre de Rockefeller Vincent, ex-ministre de la Justice et de la Sécurité publique, ainsi que BedFord Claude, ancien commissaire du gouvernement de Port-au-Prince. Si Lubérice s’était conformé à l’ordre du Premier ministre de facto, les deux autres hauts fonctionnaires mis à pied, après avoir tenté de résister, avaient fini par plier bagages.

Il y a lieu de se demander si les rebelles du CEP défunt ont les moyens de résister à Ariel Henry et de faire fonctionner cet organisme, en dépit de la décision prise à l’encontre de ses membres. Tout porte à croire que les membres du CEP déchu vont se heurter à d’autres tracasseries, surtout s’ils sont appelés à justifier les dépenses qu’ils ont faites à partir du budget qui était mis à la disposition de l’institution.

USD 40 millions $ en jeu

Si, dans le cadre du pillage orchestré sur la caisse publique, sous la présidence de Jovenel Moïse, la clique Guylande Mésadieu Esperencia César avait l’assurance de la dilapidation des fonds du CEP démobilisé par celui qui les avait nommés à ce poste, son assassinat remet tout en question. Assurément il va y avoir des comptes à rendre con cernant ces fonds.

Dès le lancement du CEP Dermalog, il a été annoncé qu’une somme de USD 40 millions $ était allouée à cette institution. Il semble que de novembre 2020, date de création de celle-ci, jusqu’à cette semaine, les décaissements s’effectuaient « en veux-tu, en voilà ». Guylande Mésadieu et son équipe s’obstinaient à continuer les opérations, jusqu’à l’exécution du mandat de leur CEP, organisation d’élections générales et du référendum constitutionnel.

Les révélations qui ont été faites sur le fonctionnement des institutions étatiques, sous le gouvernement du chef d’État de facto défunt, ont indiqué que détournements sont effectués par les ministres et directeurs généraux de toutes ces entités, au profit de la présidence. Cette pratique, entamée par Michel Martelly, de concert avec Sophia Saint-Rémy, la première dame. Celle-ci n’avait aucune gêne à se présenter, en personne, pour récupérer le magot. À cet égard, l’actuel Premier ministre de facto, Ariel Henry, en sait long.

De toute évidence, la Cour supérieure des comptes et du Contentieux administratif (CS/ CCA) a du pain sur la planche, par rapport au CEP déchu. Il faudrait commencer par émettre des interdictions de départ à l’encontre de ces femmes et hommes qui faisaient bombance aux dépends du budget de cette organisation qui cesse d’exister. L.J.


Cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur VOL. LI, No. 37 New York, édition du 29 septembre 2021, et se trouve en P. 1, 5 à : h-o 29 sept 2021