217È ANNIVERSAIRE DE L’ASSASSINAT DE L’EMPEREUR JACQUES 1ER
- Message de Lesly Condé, ancien consul général d’Haïti à Chicago
Chers concitoyens et amis de partout,
Cette année, nous commémorons le 217e anniversaire d’un des événements les plus funestes et les plus marquants de l’histoire de notre pays. À compter du 17 octobre, jour où le père fondateur de la nation haïtienne fut lâchement assassiné, on peut dire que cette nation a tourné le dos à son glorieux destin pour devenir une brebis égarée, se laissant diriger par des partenaires dont la bienveillance laisse à désirer. Il est vrai qu’on ne peut pas modifier l’histoire, mais quand on se penche sur les circonstances de l’assassinat de Jean-Jacques Dessalines, on ne peut pas s’empêcher d’imaginer la meilleure voie que cette nation, notre nation, aurait choisie. Le 17 octobre 1806, la liberté universelle perdit un de ses alliés les plus authentiques.
À l’occasion du 217e anniversaire du très malheureux événement que fut l’assassinat du père fondateur de la nation haïtienne, j’observe avec grand intérêt que le 17 octobre est aussi la journée mondiale du refus de la misère. Nous sommes ici en présence d’une coïncidence harmonieuse, car le refus de la misère est un thème digne d’être associé à la mémoire du valeureux père de notre nation. La journée mondiale du refus de la misère est une initiative clairement socialiste, qui se situe dans la même lignée que l’œuvre de l’homme qui dirigea la seule lutte victorieuse de l’histoire contre la misère et l’injustice de l’esclavage. Suite à la défaite des forces esclavagistes, Jean-Jacques Dessalines prit fermement la défense des anciens esclaves qui, selon lui, méritaient liberté et bien-être. Dans ce nouveau pays de liberté, il voulait autant de bien-être pour tout le monde. Cela incluait tous les démunis dont les parents sont en Afrique. L’Empereur Jacques Premier se fit donc de puissants ennemis parmi ses camarades de combat, à cause de son attachement à sa philosophie égalitaire. Bien en avance, sur son temps, et même sur le nôtre, le père de notre nation fut assassiné, et, partout sur la planète, ceux et celles qui sont partisans de justice et de liberté, poursuivent encore son beau rêve.
Parler de la disparition de Jean-Jacques Dessalines, seulement deux ans après que ce valeureux général eut conduit une armée d’esclaves à la victoire, c’est évoquer une page de notre histoire qui donne lieu à tant de douleur et tant de regrets.
En effet, pour avoir été lâchement assassiné par certains de ses propres frères d’armes, avant même de pouvoir établir les bases de sa toute nouvelle nation, Jean-Jacques Dessalines fut victime d’une double injustice. Il convient, peut-être mieux, de dire que notre nation est la grande victime, car quand l’Empereur Jacques 1er disparut, sa vision aussi disparut. Les décisions qui furent prises, après cet assassinat, contrastaient de manière flagrante avec la philosophie du père fondateur de la nation haïtienne. Cette philosophie préconisait le bien-être inconditionnel des héros inconnus, qui avaient contribué, grâce à leurs sacrifices, à l’unique victorieuse révolte d’esclaves de tous les temps. Cette vision coûta la vie à Jean-Jacques Dessalines. L’homme dont nous célébrons la vie aujourd’hui n’est pas uniquement un héros haïtien. C’est un géant aux dimensions planétaires. C’est un génie militaire et un ardent défenseur des droits humains avant même que ce concept ne fût popularisé et vandalisé. Il y a des héros qui sont vénérés partout au monde pour leur bravoure et pour leurs accomplissements brillamment racontés dans leurs moindres détails. Mais il s’agit surtout d’envahisseurs et de conquérants. Ils sont honorés pour avoir subjugué leurs adversaires, et conquis leurs territoires. Dessalines conquit la liberté. Et pour l’avoir vigoureusement défendue envers et contre tous, il fut assassiné.
Aujourd’hui, la nation de Jean-Jacques Dessalines semble sombrer inévitablement dans le chaos et la destruction. Notre pays qui, au début de son existence, était une destination de rêve pour tous les êtres humains, qui voulaient respirer l’air de la liberté, est maintenant au rang des pays auxquels personne ne veut appartenir. L’assassinat du père de notre nation a prouvé que la haine avait remplacé l’amour de la liberté dans le cœur de certains de nos ancêtres. Quand nous cessons d’aimer nos propres compatriotes à cause de leur condition économique ou sociale, nous sommes susceptibles de trahir notre nation. Haïti a été, à plusieurs reprises, trahie par ses enfants. Ce monde indifférent, ou carrément hostile, ne nous tendra pas la main. Comme nos ancêtres, nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes. Nous devons transcender nos préjugés et cette peur de la liberté, afin de surprendre le monde…encore une fois.
Lesly Condé Ex-consul général d’Haïti à Chicago (26 août 2004-25 mai 2018)
cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, VOL. LIII, No.37 Édition New York régulière du 18 octobre 2023, et se trouve en P.1,2 à : h-o 18 oct 2023