SLRDC: le PROCÈS PETRO-CARIBE – un scénario signé Jean Sénat Fleury 2/4

SUR LA ROUTE DU CINÉMA par Dan Albertini

  • LE PROCÈS PETRO-CARIBE – Un scénario signé Jean Sénat Fleury 2/4

Jean Sénat Fleury a travaillé sa poésie qu’il récupère habilement dans la démonstration de cet ouvrage tellement dédié à un cinéma de carrière, qu’il laisse ses traces sur ce parcours ombré de diplômes du curriculum es sciences. Poésie étalon de l’épopée des généraux, elle lui sert de rampe de lancement, jeune poète : «c’était au mois d’avril. De la tour du Palais national, le général-président regarda le peuple dans sa misère. Il n’en fit rien. Il s’en régala». Cet art autre à domicile, poète en résidence, d’où le procès Petro-Caribe qui juge la pensée éphémère. Ciné. 

Revenons au domicile du procès où nous sommes en 2026. On va s’empêcher de penser à une forme d’apocalypse de l’apothéose du Yankee. La presse annonce toutefois la coupe du monde de football partagée sur l’hémisphère Nord des Amériques, passion reine à Républik. Illico, une joute oratoire dont l’équivalent se trouve dans la confrontation au procès…Audubon. 

[À 10h exactement, la Cour fait son entrée. Au son de la cloche de l’huissier, l’assistance se met debout. Le Doyen du tribunal fait signe au public de s’asseoir, et déclare la première journée de l’audience ouverte. Le ministère public est assuré par Me. Guy Antoine, Commissaire du Gouvernement près du Parquet de Port-au-Prince, secondé par quatre substituts]. 

En effet, cette grande passion convoquée, les émotions sont réellement soulevées à hauteur de l’assassinat du président JFK pour Hollywood qui s’inquiète de l’image laissée en 2024, vous en savez sur le pas, j’épargne l’intrigue brève. L’hebdomadaire H-O m’a donné ‘carte blanche’. 

[Le mardi 29 sept 2026, à 9h du matin, dans dix véhicules de l’APENA, les soixante-trois accusés impliqués dans l’affaire du détournement des fonds de Petro-caribe arrivent au tribunal. Menottés, enchaînés fortement escortés, les inculpés sont conduits directement à la première Chambre du tribunal civil de Port-au-Prince. Les uns après les autres, les prévenus prennent place sur le banc des accusés].

Halte-là, Haollywood délivre sur grand écran sur la route du cinéma, Jean Sénat Fleury répond magistralement. Commande : enquêteur spécial qui livre néanmoins tous prévenus confondus sous une forme soumise aux bottes militaires, culture d’indépendance prolongée. La mode ! 

[Le président procède à l’interrogatoire sur l’identité des prévenus. Interrogés individuellement, ils répondent sur leur nom, prénom, âge, profession, lieu de naissance et de résidence.

Cette formalité achevée, le Doyen ordonne la lecture de l’ordonnance de prise de corps restée insatisfaite à l’encontre de l’un des prévenus, réputé rebelle à la justice. C’est alors seulement que l’assistance apprend que le nommé Lamothe Étienne ne se trouve pas sur le banc des accusés].

Cela a-t-il à voir avec Lamothe dans ‘Le Procès Salvador’ déjà prédit, je l’ignore à ce stade-ci.

[L’accusé appelé à trois reprises par le greffier n’a pas répondu par lui-même ni par l’intermédiaire d’un avocat, alors le Doyen consulte le ministère public.

« Ministère public, vous avez la parole pour donner votre réquisitoire ».]

Il me faut ramener ici une précision éloquente à deux volets :

La formulation du nom à Républik, mêlée d’adaptation adverbiale polémiste et de dérision.

L’emprunt volontaire j’imagine dans la dramaturgie haïtienne vue par M Sixto : ‘zizi Bois-de-fer’ que l’on reconnaîtra par exemple dans Lily de La Fourchaude’ de Sixto encore. On verra aussi : Me Alézi, allez-y’, dans le procès de S Jérémie (1986). Lexique et dyslexie peuvent se trouver fastidieux pour le réputé réduit de culture linguistique. À l’écran, ‘grand’, le drame.

La condamnation ou la grâce innée de ce fait, de chaque victime, de chaque divinité découle du nom ainsi exprimé. Théo Achille dans ‘le Boléro des saigneurs’ éditions Plume et Encre. Théodore de son prénom, il est théo, Théodule, mais surtout théo dort. Mimique que l’on retrouve dans ‘n’en fit’ rien, plus haut. D’où : Sainvilus dans Me Sainvilus. Bien que dans ce cas-ci c’est la femme qui souffre ou bénéficie du patronyme du mari, mais on rencontre aussi les deux prénoms où l’aptonyme s’impose au patronyme : Sainvilus Sainvilus. Duel banjo guitare !

C’est avec cet œil qu’on lira la suite de ce procès sous la plume de Jean Sénat Fleury ‘qui rit’.

[Me. Sainvilus : « Monsieur le président, le ministère public en sa qualité d’avocat de la société, requiert le tribunal de constater l’absence de l’accusé Lamothe et de trancher conformément à l’article 366 du C.I.C ».

Le ministère public, tout en ajustant ses lunettes, reprend sa place.

Le Doyen dicte ainsi son jugement au greffier de l’audience.

Le Tribunal : « Au nom de la République

Vu l’absence de l’accusé Lamothe Étienne et vu le réquisitoire du Ministère public], l’énoncé :

[Attendu qu’à l’appel des inculpés, en vue de leur interrogatoire respectif, le nommé Lamothe Étienne, accusé de corruption, de malversation et de détournement de fonds au préjudice de l’État haïtien, n’a pas répondu malgré la notification de l’ordonnance de mise en accusation à lui régulièrement faite, que son absence des débats a été constatée]. Énoncé magistral suit :

[Attendu qu’en matière criminelle, il ne peut intervenir d’arrêt par défaut relativement à l’application de la loi pénale; que si l’accusé a pu être saisi, il est détenu selon l’ordonnance de prise de corps dans l’arrêt définitif; que si au contraire il échappe aux recherches de la justice et s’il ne s’est pas présenté dans les dix jours de la notification susdite, il est procédé contre lui par la loi sur la contumace]. Énoncé de rigueur :

[Attendu qu’il y a lieu en conformité des articles 366 et 367 du C.I.C. d’ordonner que l’inculpé Lamothe Étienne soit tenu de se représenter dans un délai de dix jours avec les conséquences de droit]. Énoncé d’ordonnance :

[Par ces motifs, le Tribunal ordonne que l’accusé se présente dans un nouveau délai de huit jours à partir de cette date; sinon il sera déclaré rebelle à la loi et sera suspendu de l’exercice de ses droits de citoyen; dit que ses biens, en ce cas, seront séquestrés pendant l’instruction de la contumace; que toute action en justice lui sera interdite pendant le même temps; dit que toute personne sera tenue d’indiquer le lieu où il se trouve; dit que cette ordonnance sera publiée et affichée à la porte de son domicile, à celle du Juge de Paix et à celle de ce tribunal].

N’est-ce pas extraordinaire puisque Lamothe fuira d’autant plus, car le crédit de l’ignorance ne lui est pas réservé. Non, il l’a perdu de fait, dans le scénario de Jean Sénat Fleury, Judge Fleury a fait mettre le ‘grand écran’ dans chaque coin de rue, dans toute la république. Ce qui signifie a priori, que Judge Fleury opère, soit par prémonition, soit par projection, et réalise le courant électrique de quelque source de production que ce soit, en fait établi en 2026, en Républik.

Alors, la troisième question dans la considération de la mémoire procédurale de la cour comme celle sémantique de l’histoire, en historicisme et en historicité, l’auteur ou le scénariste, entre les deux, qui est ce personnage multiplexe et complexe de ces petites-patries intimes, si l’on considère Métaspora de Dr Joël Des Rosiers. Richesse, dira l’autre, dans ce cadre de cinéma.

[Attendu qu’en aucun cas, la contumace d’un accusé ne retiendra ni retardera le jugement à l’égard des accusés présents. En conséquence, le tribunal décide de poursuivre l’instruction à l’égard des autres accusés].

Procédural, certes, mais en Républik, Lamothe Étienne est-il d’après le culte ou l’histoire de ce pays : mort, exilé, caché, hébergé, ignoré, soutenu, embusqué, qui en répondra dans vingt ans ?                                                                      

La pause est donc prescrite, Jean Sénat Fleury laisse ici l’espace vide au soin du cinéphile.

[Les débats s’ajournent à 12h45 pour reprendre à 2h dans l’après-midi. L’intérêt suscité par le procès est considérable. Affluence record au Palais de Justice. Plusieurs fonctionnaires ont déserté leurs bureaux pour se rendre au Tribunal].

Restons là un peu de temps. Cette littérature de paragraphe est une poésie qui crée le suspense si l’on tient compte de la caméra et de la projection sur le ‘grand écran’. Je vous fais grâce de la musique des compositeurs de la meringue en la circonstance, dérision : karese boubou’t wou, vin n ban m kou’. Curieusement M Lamarre compositeur, St-Marc. Le loup et l’agneau !

[Dans de certains endroits du pays en dépit du grand écran disponible, on voit des gens, fidèle, l’oreille collée à leur poste de radio, suivre scrupuleusement le déroulement des débats. Dans les foyers munis d’un poste de télévision, des gens aussi fidèles se réunissent devant leur petit écran. Hors de la salle d’audience, des dizaines de milliers de manifestants s’attroupent à quelques blocs du Palais de Justice avec des pancartes en mains].

Judge Fleury persiste et signe en Républik : illusion, hostilité, toutes les options sont là :

[On peut lire des slogans, comme  « kote kòb petro-caribe-a », « mare volè, mare bandi legal », « pote kòd ». Certains manifestants portent des cordes et d’autres brandissent des photos des héros nationaux et des pères fondateurs de la nation haïtienne : Boukman, Cécile Fatima, Toussaint Louverture, Jean-Jacques Dessalines, Henri Christophe, Capois La-Mort, Marie-Jeanne, Charlemagne Péralte, l’amiral Killick etc.]

C’est ici que j’arrête pour prendre le temps d’analyser le bout d’analyse 2/4, car le ¾ vibre dans l’impatience en se posant la question suivante : qui est le personnage de Judge Fleury qui suit ?

Je préfère me taire, car il est capable de grande colère et de grandes maitrises : polarité ?

cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, VOL. LIII, No.36 Édition New York régulière du 11 octobre 2023, et se trouve en P.4 à  : h-o 11 oct 2023

Haïti-Observateur / ISSN: 1043-3783